31/03/2009

Aïya...Binoche.


il y a trois ans, j'étais dans la même salle voir une pièce de théâtre. Aujourd'hui le théâtre a changé de nom et ne s'appelle plus Bei BingMaSi JuChang.



Finalement je suis allée assister à la master class de Binoche. C'est obligatoire parce qu'il y a de la presse.

Je ne suis pas fans d'elle, je l'ai su lorsque je l'ai vue entrer dans le bâtiment. Si c'était Duras, ou Clézio, ou peut-être Klapisch(à expérimenter...) devant moi, je serais beaucoup plus excitée. Mais là j'étais bien calme, seulement pendant les premières deux secondes ai-je cru avoir confondu le monde du cinéma et celui de la réalité.

Elle ne ressemble pas à un grand star, tellement que j'ai failli ne pas la reconnaître. Je l'ai reconnue après avoir reconnu ma patronne. "Elle est comment??" Ma collègue chinoise me posa les questions lorsque je suis rentrée dans le bureau, "Normale." j'ai dit ça parce que c'est ce que je pense de Binoche et que c'est le premier mot qui me revient à la tête. "Comment normale...Charmante?" "Bah...elle est bonne, c'est tout.""Bonne? C'est abstrait, le mot."


Voilà, c'est abstrait, c'est très exact. La beauté de Binoche est abstraite car physiquement, elle n'a pas une allure étonnante; c'set d'ailleurs son côté quotidien que j'ai notamment apprécié d'elle et qui lui a fourni un aspect très humain. Elle possède pourtant un certain univers en elle et cet univers se voit et se sent: l'ingénuité qu'on peut saisir par moment dans ses yeux, malgré son âge, et la passion. La passion de force et d'énergie comme ce qu'on peut voir dans "l'Amant du Pont neuf", une force disons meurtrière, qui s'aperçoit dans son geste, à travers son corps, son regard, son anglais avec un bon accent américain(ahahh, elle aime parler tantôt fluently le français, tantôt couramment l'english, ce qui ne dérange point le super travail de l'interprète française). C'est probablement avec ce fonctionnement du corps qu'elle a pu réussir à danser partout dans le monde une histoire d'amour avec un maître chorégraphique.


Juliette! (tous droits réservés)

Et autour de cette danse qui n'est pas sujet principal de la master class/leçon de cinéma, elle a dit de belles phrases: "Make it there, then make it happen." "When I dance, I do a mouvement provided that my body feels it. It's a kind of sensation which desides. Not the mind."



photo shoot pro et pro-photo shoot




la fillette est trop mignonne. Durant toute la class elle se met en avant et prend les photos, drague un jeune étudiant-photographe avec qui elle échange les expériences photographiques et prend les photos tous les deux. Et on a l'impression qu'elle joue une mannequin car elle pose tout le temps et qu'elle pose très bien et très naturellement. Pour une fois elle est allée aux pieds de Binoche et celle-ci s'arrête et dit: je sais que tu veux de moi. L'actrice est sur point de terminer la leçon et elle se met au bord de la scène, dessine attentivement sur son cahier: un autre album de dessin "In-Eyes" comme celui de Binoche, qui sait.



30/03/2009

Pieds


A cette force de résister à la fureur et de la fondre.
Qu'elle ne touche pas la douceur fragile
de son intérieur.


(Pékin, post-Mundus 09, Chine)




Allure

(Lago di Garda, Mundus 07, Italie)



Pied

(Collioure, Mundus 08, France)




Plongée

(Lago di Garda, Mundus 07, Italie)



29/03/2009

L'habit



Ceci n'est pas Delphine. Ceci est l'habit.
De préparer un habit dit plutôt officiel m'a bien pris la tête, moi qui adore le jean qui est absolument interdit à la soirée d'ouverture.
j'ai cherché en vain une robe noire que j'aime en général et qui est dite passe-partout: là où que j'ai parcouru, les robes noires sont soit trop classe et/ou trop scintillantes, soit, ma foi, elles sont toutes en modèle koréen avec la ligne de ceinture élevée. Quand on ne connaît pas bien les boutiques d'une ville, on risque de tomber tout le temps sur les mêmes habits dits à la mode, ou sur qch de plus chers que l'on estimait.

après deux weekend de course je finis par trouver la solution. pour une fois j'ai pris la jupe, qui sépare mon haut et mon bas que je ne prends d'habitude pas. Pour le reste, il faudrait juste trouver la couleur qui ira avec.
Il faut dire que, et je l'ai éprouvé plusieurs fois, l'appareil photo produit parfois des choses tout seul et nous donne les effets hors d'attente. C'est dans le hasard que j'ai pris celle-là, et je la crois un petit miracle que la lumière de ma chambre et le meuble usagé m'ont ensemble offert.

A vrai dire, ce que j'aime le plus, c'est le cadre, l'opacité de la partie déformée du miroir, le rouge de l'armoire.

Binoche à shanghai

Pour info.

http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5ieHEGilXxzqUms3vXEuPhE14_qDw

Je ne fan pas particulièrement l'actrice, mais j'admire son respect pour le métier, son dynamisme, la passion qui s'aperçoit à travers de ses quelques photos de danse que je n'aurais pas l'occasion de voir, ses dessins de portraits "in Eyes": les portraits des réalisateurs avec qui elle a travaillé, des rôles qu'elle a interprétées, autrement dit d'autres Binoches.

C'est à la fois émerveillant et épuisant de devoir faire la tournée du monde en dansant à chaque fois, de recevoir les interviews infinies, de jouer l'ambassadrice pour telle ou telle marque. Elle a dit qu'elle se sentit fatiguée, lors de sa rencontre avec le public à la cinémathèque; mais on ne peut toujours agir à sa guise, surtout quand on est star. Alors à Shanghai, les medias ont donné les infos très positives, bien que tous ont répété la même chose parce qu'elle n'a parlé que pendant moins de 30 minutes, me semble-il.

J'espère que ce petit passage à shanghai lui aurait plû. Et prochainement Pékin, à pékin dans deux jours elle donnera une master class à l'école dramatique centrale (zhongyang xiju xueyuan) où sortent les futurs artistes chinois pour les spectacles vivants. les master class seront l'expérience exceptionnelle pour les artistes français et pour les étudiants des institutions artistiques dans lesquelles auront lieu leurs dialogues. (Et moi je suis privée de ces cours sauf si les interviews sont prévues...)

Lao Wang et les 35mm

C'était la première journée de la projection de presse. les journalistes à pékin sont gâtés parce qu'aucunes des trois autres villes du festival n'offre ce service à leurs journalistes. A Pékin les journalistes peuvent voir les films qui les intéressent parce qu'il y a un petit cinéma à CCF.

C'était la première journée de la projection de presse. On aidait Lao Wang à ranger les bobines dans le cabinet de la projection: là où se trouve, vue de la salle de cinéma, une petite fenêtre sacrée à travers de laquelle se projette une lumière blanche sur le grand écran.

C'était la première fois que j'ai vu de mes propres yeux les bobines de pellicules. Elles sont très lourdes, chacque film a en moyenne 5-6 bobines qui pèsent un peu plus que ma valise de 20kg. Dedans sont les films en état originel, sur les pellicules de 35mm, ou de 16mm pour les courts métrages, demeurent les images et les sons, les soutitres chinois récemment gravés dedans.

J'étais émerveillée. Je ne voulais pas quitter le cabinet et je restais voir Lao Wang projeter le film. Lao Wang me montra la grosse machine. Tiens, ça, la machine de la projection. Un immence système, dis-donc!

Tout est en chaîne. Là- haut, le pellicule rentre, s'y jette la lumière très forte, (il faut vraiment que ce soit très fort), pour projeter l'image sur le grand écran. En bas, un petit organe qui analyse le son, le transmet jusqu'à l'autre grosse machine dans le coin pour que le son se produise. Voilà le secret.

"C'est de la technique de pointe, tu sais. Au début on avait pas ce genre de machine, on avait une machine des années 30s et 40s; ça évolue au fur et à mesure...Les pellicules étaient de mauvaises qualités et parfois, s'ils sont bloqués là-haut, et que la lumière y restait, ça brûlerait." J'étais épatée. Je me suis rappelée de ma visite du musée à la cinémathèque de Paris. C'était en voyant les différentes sortes d'anciens cinématographes, en expérimentant les jeux visuels, que j'avais compris tout d'un coup que le cinéma est une véritable industrie, dans laquelle le mécanique est l'un des primordiaux.

"Au début...vous avez toujours fait la projection?"
"Ca fait plus de 20 ans que je suis là, tous les soirs, à projeter les films!"
"Ah!!! Combien de films vous avez vu donc!"
"Aïya... t'imagines, hein, 20 ans, ça veut dire quoi, ça veut dire que, tout compte fait, le moment où je mange avec la famille ne dépasserait pas un an en total!"

Voilà la différence de la logique. Lao Wang dit qu'il a été dans le petit cabinet de projection du cinéma du centre culturel français depuis 1987, si sa mémoire est bonne. Tout a existé donc depuis plus de vingt ans. Quelle ignorance pour ma part, moi qui croyais que ce centre n'existait que depuis fin XXe siècle. Et depuis plus de vingt ans sont projeté les films en pellicules, les 35mm ou 16mm. Les pellicules qui ont marqué la vie de Lao Wang qui devient l'homme de la projection, sous la main de qui sont passés je ne sais combien de films et combien de genres de films.

Les 35mm, d'abord c'est cher, ensuite c'est de vraies images. Mon collègue documentariste m'expliqua: tu sais, les pellicules, c'est du mercure. Quand on tourne, ce qui se produira, c'est la réaction chimique: les images s'y gravent dessus pendant que la surface du pellicule est relativement rongée, d'où l'effet de la profondeur du champ. (En numérique les images se voient bien plates, il est vrai). Si tu le regardes horizontalement en le mettant au niveau de tes yeux, tu verras de minutieux reliefs sur le pellicule.

Les images des films tournés sur les 35mm sont donc réelles, c'est-à-dire qu'elles existent, ne sont pas virtuelles comme celles en numérique, dont la vue se réalise suite à un jeu de composition optique; ne sont pas les fameux simulacres mais les "copies" selon la théorie de Baudriard le nihiliste.

Et sur chaque "copie", sont enregistrées un énorme nombre de photos qui tournent à une vitesse de 1/??? par seconde pour produire les mouvements sur l'écran et pour faire croire qu'une histoire y est en train de se passer.

Au final, le cinéma, pour certains, c'est l'alchimie des visionnaires. Un véritable art. Pour d'autres, tourner un film ne se dira plus, se dira tourner 5G d'histoire par ex, ou tourner 10 piles, dans je ne sais combien d'années où les pellicules auraient tous disparus. Pour d'autres encore, le cinéma n'a jamais existé; ce sont simplement les séries de signes de spectacles.

Pour Lao Wang, c'est simple, le cinéma est les bobines, la machine, les lumières, une salle obscure devant lui, la petite fenêtre d'où il peut regarder vaguement les films, un cabinet de projection, de belles besognes.

25/03/2009

SKHiZEiN- philo de la distance

Présentation: Un court métrage de Jérémy Clapin. Réalisé en 3D, un format pour lequel je n'ai pas le goût prononcé, mais, je dois avouer, celui-là est censé le meilleur parmi tous les courts métrages sélectionnés.

Résumé: si un jour une astéroïde tombe sur vous et qu'elle vous sépare en vous et vous', en séparant votre vie en vie et vie'?

Exemple: Vous allez ouvrir la porte. La porte (qui "est") est censée être devant vous mais elle apparaît de vue à 91cm plus loin de vous. Vous tendez la main dans l'air et faites un geste pour tourner la poignée, censée être devant vous mais qui se voit à 91 cm plus loin de vous, la porte s'ouvre.



Extraits:
- "On précise jamais au x gens de combien il s'en faut. On dit juste qu'ils ont perdu leur boussol qu'ils sont à côté de la plaque...Bon mais...quoi."
- "Alors un peu plus un peu moins...finalement, à quoi ça peut servir de savoir? Savoir de combien de centimètre on s'est éloigné? Hé bien la seule chose dont je suis aujourd'hui, c'est que d'où je suis, ça me fait plus rien. Plus rien. " (voix-off: "JE SUIS Là!!--")


***

Extension:

Il y a une semaine. En réunion pour faire le point sur le planning global. A l'étape du tapis rouge de la soirée d'ouverture.
Patronne: " Quand vous accompagnez les stars les invités, il faut éviter d'être trop proche d'eux pour que les journalistes puissent les prendre en photo... vous vous ne rentrez pas dans les photos...mais attention, faut pas non plus que vous soyez trop éloignés: eux ils vont te chercher. Tu vois, c'est bien délicat et moi je ne sais pas le faire, j'empêche tout le temps la vue des journalistes :))) Donc faut voir comment garder cette distance."
Delphine: "ah on peut mesurer 91 cm d'à côté d'eux..."



***

Extension' :

Akram Khan et Binoche sont arrivés à Shanghai. Danse "In-I" dans deux jours. Ce soir le lancement de la deuxième tour de conf de presse à Shanghai'. La patronne est dite crevée.

Ce soir' il y aurait eu un "déguste!" , de gastronomie et d'art visuel: performances et installations réalisés par Bequemin et Sagot. Intitulé: "Nous nous sommes tant consumés..."

Le déguste voyagera à pékin le jour de l'ouverture. Je sais que je n'aurai pas de temps pour déguster leur oeuvre mais j'aimerais bcp les voir sur place.


***

Bilan:

Delphine travaille till late ces jours dans la cellule de communication.

Nous nous sommes tant communiqués...



éducation professionnalisante

Cette semaine: 1 fille mixte en 3e année de collège d'une école française à pékin, arrivée faire un stage professionnalisant: l'observation+ simple pratique bureautique.

Fille très timide mais qui comprend vite.

Découverte de son dossier de conseils de stage et des formulaires à remplir. Nature du stage comparable à ce que nous faisions (seulement) à l'université... dans mon lycée , j'avais: enquêtes sociales généralisantes. Dans mon collège, j'avais: groupe de musique traditionnelle et équipe de handball. Rien de professionnel.

Un bon guide de stage de A à Z, très structuré. Méthodo, ponctualité("pensez à ne pas...au dernier moment" marqué pl.fois, hihi...), questions, notes pour préparer le mémoire(!) de stage, politesse, etc, etc. Comme un guide de la rédaction du mémoire de master. Fait réfléchir aux élèves sur leur avenir. Celui de cette fille : le cinéma. la réalisation(!).

Tout ça: parfait et enviable (un peu).

Ai joué institutrice et conseillière éducative. Avec certaine douceur maternelle. Curieux. Stop.

15/03/2009

Hé~ Rumba!(le film)

RHUMB ou RUMB n.m. (...) altération (sous l'influence de l'espagnol rumbo et de l'anglais rhumb) de rym de vent, de l'anglais rim "cercle extérieur d'une roue" MAR. Quantité angulaire comprise entre deux des trente-deux aires de vent du compas, et égale à 11°15'.
[--Dictionnaire le nouveau petit Robert 2007, pp.2250]

RUMBA: danse à mesure binaire, dont le rythme se compte en 4 temps. A la différence du cha-cha-cha, pour laquelle on compte un-deux-trois-chacha, dans le pas de base de la rumba, la mesure est comptée comme deux-trois-quatre et/un. Le premier temps est le temps fort, mais on part sur le dernier temps qui consiste en une suspension: entre 4 et 1, c'est le temps majeur où l'on fait un mouvement de hanche et une rotation. (Source)

"La rumba évoque pour nous quelque chose de profond, de physique, de sensuel." -
-- Le Trio Réalisateurs


RUMBA : "...un film d'humour belge, une histoire d'un couple qui tombe puis se relève, qui retombe puis se rerelève, qui reretombe puis se rererelève, qui rerere..."


L'annonce de la sortie du film en France était ainsi répétée d'un ton hilarant, sur France Info en septembre de l'année dernière. Je n'ai pas pu retenir le nom des réalisateurs, et pourtant, je me suis souvenue que c'était la "Rumba" parce que c'est l'une de mes préférées parmi les danses argentines, et que la critique disait que le film marquait un style renouvelé et exceptionnel du cinéma belge, déjà pas mal évoqué dans les brochures de projections pendant les vacances du Cinéma Rive Gauche de Perpignan. Comme j'étais alors au dernier stade de la rédaction du mémoire, puis aux préparations du départ de Perpignan, je n'ai vu ce film ni à Perpi, ni plus tard à Paris.

Je deviens ravie lorsque j'ai vu le nom de Rumba dans la liste des films sélectionnés pour cette édition du Panorama, et que j'ai compris qu'il s'agit bien de Rumba le film belgique que j'ai entendu parler à la radio l'année dernière mais que j'ai manqué. En voyant les premières scènes du film, je ne peux m'empêcher de crier: c'est encore eux!

C'est bien eux, le trio qui a réalisé l'Iceberg: Abel & Gordon, Bruno Romy. J'ai vu l'Iceberg un peu plutôt en été dernier, séduite justement par le dit "style renouvelé du cinéma belge". Cet après-midi-là, il faisait chaud dehors, il n'y avait pas bcp de gens dans la petite salle. C'était un sentiment frais que j'ai eu pendant la projection de ce film. D'abord la fraicheur du style: un style que je n'avais jamais découvert auparavant, d'autant plus admirable que je me trouvais un peu lasse des fictions françaises teintées de noirceur projetées à l'époque. C'est une sorte de comédie grotesque qui fait sourire non pas avec les langues et les mimes mais avec le corps entier des acteurs. On allait presque dire dans un premier temps que ce n'étaient que les conneries, que qu'est-ce qu'ils jouent, ces clowns sur scène cinématographique.

Néanmoins, les choses sous-jacentes peuvent atteigner le coeur de manière inattendue, et sont marquées d'une ingénuité qui va à l'encontre de notre époque, d'une irrationalité féérique relevant de l'enfance: quels sentiments choisissez-vous, devant la scène où Fiona, deux cônes de crème glacée à la main, revient au port chercher l'homme muet et sourd, alors que ce dernier s'éloigne déjà sur un canot? En rire parce que c'est "deux cônes"? (quel jeu de mots, imaginons que la vendeuse de gelato vous demandera l'été prochain: vous voulez la cône ou le coupe?...) ou donner un léger soupir pour ce rdv manqué?

La vision de féérie, ou de fable empathique, a été largement soulignée dans la décoration et le repérage: les endroits si bien colorés et d'une sensation oniriques, les dessins dans la petite chambre maritime de l'home muet et sourd, devenu le naif troisième du couple; l'orage sur mer qui semble avoir eu lieu dans un espace imperméable, la danse près de la jetée ecossaise qui ressemble à celle de St Andrews...

Le passage de l'Iceberg à Rumba est marqué tant par une continuité évidente sur la conception générale du style, qu'un développement linéaire et parallèle sur le plan thématique. Tous les titres impliquent le mélange des langues et donc des cultures, la scène de la chambre à coucher se répètent en se variant dans les deux films. Dans l'Iceberg, c'est sur le thème de la quête indéfinie d'un sentiment et d'une vie d'ensemble véritables du couple, mêlée de l'égarement mentale, géographique voire temporel; dans Rumba, le couple part de l'état idéal d'une vie nuptiale au premier temps(le temps fort, comme indique le principe de la danse), pour se confronter aux vicissitudes de la réalité tout en tenant la faible espoir d'optimisme. De l'Iceberg à Rumba, l'évolution est ce que l'expérimentation ultraréelle est devenue plus pieds sur terre et donc plus populaire: c'est donc judicieux que, avant que le Panorama ne commence, les distributeurs basés en Chine ont déjà décidé d' acheter Rumba, censé pouvoir mieux plaire au public chinois et rafraichir leur goût pour l'amusement teinté de noirceur.

L'humour à la belge, c'est ça qui fait signature pour ce trio réalisateurs qui ont fait ces deux films. A ce sujet, je me souviens du propos d'une professeure universitaire belge à l'occasion d'un colloque sur le thème du "Rire Européen". Avant de parler de l'humour belge, elle se plaignait, elle disait que ce n'était pas juste que tous les européens, et particulièrement les Français, et plus particulièrement les parisiens dont elle ne supportait pas l'arrogance, se moquaient des belges. Elle citait les blagues françaises visant aux belges, elle déplorait qu'à Paris, les chauffeurs pouvaient se montrer insolents en attendant les feux verts juste parce que sur le panneau de sa voiture était marquée BE. Elle se plaignait et elle riait elle-même, toute la salle riait avec elle. C'était la première fois que j'ai connu l'humour belge et son charme étrange. J'étais impressionnée par sa personnalité, par sa présence même qui évoquait le rire sympathique: tout le monde était bien sérieux (mais que veut dire être sérieux...), elle l'avait l'air aussi, mais elle était avec son chien et quand elle allait monter sur le plateau et parler au micro, elle emmenait son chien: un petit chien noir de poils frisés qui était très sage durant tout le colloque. Je trouvais merveilleux cet accompagnement intellectuel.

L'humour belge n'est pas forcément un humour noir, comme appellent certains médias chinois qui disent qu'une large partie des films de cette années sont de ce genre. Au contraire, c'est un humour provenant de l'âme blessé, un rire de celui qui souffre, et c'est ça le plus réel et le plus sincère des choses de la vie. C'est un style amer et chaplinien, non pas en noir-blanc mais coloré de manière extravagante; une drôlerie à la fois décalée, inattendue et profonde, tellement que le rire même peut nous échapper.

"Une poésie burlesque", voilà le bon terme. Burlesque l'amour nuptial, burlesque les souffrances de la réalité de la vie : impossible d'y échapper... Et alors?

Rien... Rient.


(la dernière phrase est le propos d'une invitée lors de la réception de l'ambassade dans le film India Song de M. Duras)







"Notre film raconte la quête burlesque d'un couple heureux, totalement abandonné par la chance, qui court après le bonheur perdu et s'en éloigne un peu plus à chaque pas. Il parle de la maladresse humaine, de la fragilité du bonheur et du besoin d'amour. Le destin cruel et malicieux qui s'acharne à faire trébucher nos héros dérisoires révèle le côté insubmersible de l'être humain, son optimisme sans cesse renouvelé, son espoir inépuisable. Que reste-t-il quand on perd tout ce qui fait notre bonheur ? Pour nos personnages, au bout du voyage, ce qu'il reste, c'est l'amour, égratigné, fragile, mais bien vivant."


-- le Trio Réalisateurs



Le film:
Réalisateurs:
Dominique Abel & Fiona Gordon, Bruno Romy
Titre: Rumba Date de sortie: 2007 Pays: Belgique Genre: Fiction Durée: 77'
Site Officiel: www.couragemonamour.net



14/03/2009

L'intermédiaire (ou le chant de Göttingen)

Fresque-station de métro à Pékin(Jianguo Men)



Cette semaine a été bien comblée. Durant 4 jours je reste assise pendant plus de 10hrs dans le bureau devant l'ordinateur, tant que je commence à avoir peur de m'assesoir parce que j'ai déjà mal au noeud où se lie le haut et le bas de mon corps. (à la lettre chinoise, on appelle ça zuogu shenjing, nerf de l'os assis :D)

Dans le rythme accéléré des choses, la stress commence à insuiner dans nos bureaux, la tension s'augmente par moment, et je me suis énervée une fois, en général à cause de la confusion de la charge des missions, et de mon côté à cause de mon tempérament réfractaire. Arrivée toute nouvelle, il m'a fallu un bon effort pour essayer d'intégrer dans l'équipe déjà existée, pour me confronter aux problèmes externes et internes.

Les moments difficiles apprennent, comme toujours. Je me dis que bon, c'est le moment d'apprendre à trouver sa place sous la pression des différents côtés, à garder le sang-froid... et à me rendre moins demeureée au vu de mes collègues qui adorent les blagues et qui se nomment grandes moqueuses. "On ne demande pas le respect, on le gagne". J'ai entendu dire quelquepart cette phrase et j'en suis convaincue, en fin de cette semaine où les choses ont l'air remises sur les rails.

***

Depuis la semaine des conférences de presse, j'ai de plus en plus l'impression que de se trouver entre Pékin et Shanghai est aussi délicat, voire plus délicat que d'être entre la France et la Chine. Dans les deux cas, la confiance mutuelle et la communication sont les facteurs nécessaires pour le travail. La différence consiste à ce que, dans la seconde situation, soit on a les règles du jeu diplomatique à suivre, soit on mène une relation plus personnelle et plus simple. Or pour le cas entre Pékin et Shanghai, j'ai déjà entendu rigoler quelques amis shanghaiens qui disent que les pékinois méprisent les shanghaiens alors que les shanghaiens méprisent les étrangers; et quand je me trouve dans la situation des étrangers basés à pékin contre les shanghaiens, ça serre le nerf parce que ce dont il s'agit, c'est les règles sous-jacentes variant selon l'intérêt de chaque partie aussi bien que celles des fameuses relations internationales.

Je suis devenue je ne sais depuis quand la bonne delphine l'espionne. "L"espion", voilà un terme que j'ai entendu fréquemment à pékin dans les blagues quotidiennes. Peut-être les gens croient bien qu'ils sont en permanence surveillés par un pouvoir magique qui garde les garçons au centre-ville et envoie les filles dans les montages pour les missions de surveillance? Il est dit aussi que les contacts des gens qui travaillent dans le milieu diplomatique sont sous contrôle. Mon lieu de travail n'est pas exactement à l'Ambassade, mais qu'importe.

Quant à mon rôle offert d'espionnage, j'ai fini par trouvé la réponse. Oui, c'est ça. Puis-je dire que les écrivains sont souvent les espions d'amateur du monde? Et plus particulièrement pour mon cas, ça va fait beaucoup travailler. Il faut être espion ni pour la France ni pour la Chine mais entre la France et la Chine, et de même, entre Pékin et Shanghai, entre Melle Zhihong Dong la chinoise et Melle Delphine Dong qui a l'air moins chinoise.

Je commence à bien me demander si mon idéal de la neutralité se tient dans la socialité des choses. En cas de litige, ne serait-ce pas un peu le suicide? En tout cas, l'expérience continue.

***

Je suis tombée sur Göttingen de Barbara cet après-midi sous le grand soleil du nord. Ca fait longtemps que je n'ai pas écouté Barbara.

Il y a à peu près un an, j'ai redécouvert Göttingen de Barbara grâce à un ami. C'était la fin de l'hiver à St Andrews, il faisait encore bien froid. L'ami me faisait écouter la chanson, juste comme ça et il la chantonnait. Je devais avoir l'air stupide, et il me demandait: ça t'émeut?... ça te touche?... Son regard de l'instant était un regard d'enfant si pur et si cher à retenir. J'avais envie de parler mais je ne savais que dire.

Cette nuit même vers 5heures, dans la résidance Gannochy sonna la première alarme du semestre, ce qui m'avait affolée parce que je ne connaissais pas du tout cette tradition: exercice d'évacuation en cas d'urgence que Gannochy fait toutes les trois semaines. J'étais sortie en pyjama avec un manteau, comme bien d'autres, et tremblais dans le vent glacant du février en attendant l'appel du nom. C'était alors que je me souvenais dsoudainement des paroles de Göttingen.

Ctte chanson m'a profondément émue, en effet, et continue à m'émouvoir.







Fresque-station de métro à Pékin(Jianguo Men)



09/03/2009

Poster



F1: voila la derniere version du poster...tu trouves bon cette fois?
Patronne: Euh... je vais voir...il en manque encore quelquechoses...Mais oui! nous allons insérer nos photos parmi les gens là, devant, sur les pelouses...puis au loin, là, une tête devant la fenêtre: "Coucou--" ...
Vous trvouez ça comment?"



Trouver...Je sens que je ne me trouve pas justement depuis ce week-end.
Je me trouve trop remplie et évacuée en même temps.
Les films à voir, la traduction de livre impossible de finir à temps, la relecture, le ménage, les rdvs, et puis la natation.
Oui, j'ai recommencé la natation.
Dans chaque ville que je suis, j'ai besoin de trouver les endroits pour me baigner.
Et les choses à écrire, qui surgissent et ne me quittent pas jusqu'à ce que je les littéralisent.
Avec mon emploi du temps actuel, la roue de la vie roule tout droit et, malgré mon intérieur plutôt still, roule au rythme accéléré, et qui surprend, sans trop laisser y réfléchir.


08/03/2009

Conversations de presse

Cette conférence de presse m'a été une bonne exercice de PR. Depuis ces jours, je m'aperçois que d'équilibrer les demandes des médias et de vendre les films et les stars, j'en suis encore loin, il me faudra du moins plus de temps pour dire tout de suite quel film est tourné et joué par qui et avec quel intérêt, ce qu'ils ont fait avant et quels ont été leurs parcours, qui est prêt pour les photos shoot et qui ne peut plus accepter les interviews pendant quelles heures. En revenche, pour les plannings, les communications internes, les préparations des dossiers, je me trouve plus à l'aise. Ca me semble un jeu intéressant d'ailleurs à tatonner les différentes humeurs des services de presse et des journalistes avec qui j'échange les courriels--à me corriger vite aussi, afin d'éviter les tensions minutieuses qui se transmettent entre les lignes.

Le moment de l'accueil a été plutôt drôle. On nous donne leurs noms et, "ah, c'est bien vous!". Cette occasion même est pour rencontrer face à face les journalistes dont je retiens le nom mais que je n'ai jamais vus auparavant, mais aussi les invités intéressants, et éventuellement les anciennes connaissances: une ancienne camarade et amie d'université, une journaliste radiophonique qui m'avait guidé durant mon stage il y a bientôt 3 ans, etc.

J'ai dû néanmoins garder la vigilance pour éviter de tomber dans mon état habituel taciturne, car je sens que ça peut gêner et les interlocuteurs et moi-même. En revanche, au bon terminus de l'événement de la journée, c'est-à-dire après la préparation, l'accueil, la confé, les conversations, les (re)mise-en-paquets des matériels à envoyer dans les autres villes ou à emporter directement par nos chefs qui se précipitaient pour aller à l'aéroport faire la tournée des villes, je me sentais ne plus vouloir parler pour le reste du temps, et c'est là que j'ai compris pourquoi on dit que les PR sont éloquents/bavards dans le travail et plutôt silentieux dans la vie.

***

Lors de la conférence de Pékin au moment FAQ entre les invités et les journalistes, un journaliste de l'agence Xinhua a posé la question sur l'affaire des têtes de bête à l'Ambassadeur: merci de donner votre point de vue, en chinois ou en anglais, sur la vente des deux têtes de bête.

Déjà, pourquoi cette exigence linguistique? D'abord il est dit que cet ambassadeur-là est diplomé de Langues'O et a appris le chinois, mais comme un ambassadeur représente avant tout son pays, il est convenu qu'il parle le français. Ensuite il est dit aussi que l'Ambassadeur parle en réalité peu de chinois: en effet, la connaissance et la pratique ne sont pas forcément la même chose, on a le choix sur la langue avec laquelle on peut mieux s'exprimer, et le fait de ne pas bien parler le chinois n'est pas à reprocher parce que pour un diplomate, l'important dans la communication serait plus d' avoir un esprit de dialogue et de prêt-à-l'écoute: il ne manque pas de chinois qui connaissent bien le français et qui haissent la France, il existe aussi des français qui parlent bien le chinois et avec qui on peine à entamer une véritable conversation. Les langues aident certes à mieux communiquer, mais la maitrise linguistique n'est pas tant une condition prémordiale.

Ce journaliste souhaiterait finalment rendre efficace les FAQ et éviter d'éventuels malentendus à cause de la traduction. L'idée est compréhensible, mais je ne peux pas être d'accord avec. Je connais le travail d'interprétation et la manque de confiance pourrait bien déranger l'interprète et donc rendre pire la conversation. Cette exigence linguisitique est donc bien inutile, et le journaliste l'auraît su lui-même avant de la poser.

La question même est hors d'attente vue que tout le monde est là pour les événements culturels, mais ça ne me semble pas surprenant parce que c'est un topic chaud du moment et que les journalistes aiment souvent se profiter de toutes occasions pour poser les questions, que de réfléchir aux conséquences de l'interrogation n'est pas tant leurs affaires.

Quand ce n'est pas le bon moment, la question est en général facile à répondre parce qu'on n'est pas obligé de s'y affronter: je voulais dire que nous sommes là pour les manifestations culturelles, que les actualités ne s'y mêlent pas, et que ces événements contribuent à la compréhension mutuelle et aux échanges culturels entre les deux pays. C'est ça.

***

Un ami journaliste, qui travaille pour un journal dit le numéro 1 des journaux financier en Chine, m'a dit hier au téléphone que la conférence à Shanghai lui a paru "plutôt bizarre". Je dis comment ça, bizarre? Il a abordé tout de suite le même sujet: un journaliste, sans dire de quelle média à qui il appartient parce que personne ne l'a fait en ce moment-là, a posé la question au Consul: que pensez-vous de la vente de deux têtes?

Effet: le Consul ne semblait même pas avoir entendu la question, leva un peu la tête et regarda ailleurs, comme si rien ne s'était passé dans la salle. Le silence y règnait, et plus de questions de la part des médias. Les journalistes, dont cet ami-là, se sont sentis "insultés".

"Vois-tu, dit mon ami, il auraît dû au moins prononcer qch pour contourner la question...ce serait la moindre chose diplomatique, non? Il a fait au contraire ce geste qui fait sentir mal les journalistes. C'est de la manque du respect pour nous."

Est-ce bien à cause de ça que certaines médias a écrit une info disant que le 6e Panorama du festival français aura lieu en avril afin de "réchauffer"/préparer le 9e Festival international du cinéma à Shanghai qui aura lieu en juin (et qui ne semble pas encore avoir bcp de reconnaissance au niveau international...) ? L'ami m'a confirmé qu'aucun mot comme "en préparation de" n'a été émis durant la conférence, alors ce serait bien une pratique socio-linguistique du media language.

Je peux à peine imaginer l'ambiance du moment de silence, mais je crois que le Consul a probablement voulu exprimer sa protestation toute brute et son mépris, vraiment du mépris, vis-à-vis de l'omniprésence de ce sujet qui semble en train de devenir un sujet politique en Chine et qui aurait encore sensibilisé la relation franco-chinoise. Et peut-être aussi son soutien pour le marché de l'art sans politique? (je dis ça parce que Shanghai devient de plus en plus un haut lieu de marché de l'art après Hongkong, qui est jusqu'ici the number 1)

La différence entre la réaction de l'Ambassadeur et celle du Consul pourrait marquer la différence des caractères de ville entre Pékin et Shanghai. Royal contre Sarkozy, pour aller efficace. Alors encore une fois, vous votez qui?


07/03/2009

Combien de temps encore??

Ca va pas.

Ca va pas très bien parce que j'ai finalement vu Deux jours à tuer de Jean Becker. Avant de voir ce film, j'ai fait parler de ce film à plusieurs reprises, mon collègue chinois refuse à chaque fois de rentrer dans les détails, disant qu'il me faut voir en personne pour juger. Une autre collègue dit que c'est un film parmi d'autres. Un film, quoi.

Je rejoins mon collègue.

Par respect des lecteurs qui n'ont pas vu ce film, je ne parle pas non plus de l'histoire. Parlons d'autres choses que de l'histoire même. J'ai d'abord été saisie par le regard d'Antoine joué par Albert Dupontel, un regard semblable à celui du poissonnier, joué par le même acteur, dans le film Paris. Cet acteur réussit durant tout le film à exprimer l'indicible: un coup de destin énigmatique et toutes choses ont désormais changé dans sa vie. Sa malveillance, son envie de sabotage sur toutes les relations ne se font pas comprendre par son entourage. Et lui se laisse jeter les mots, commettre l'irrémédiable-- pas tant que ça, quand même. Il a juste dit les sombres côtés sur les vérités de la société qu'il perçoit, les vérités qu'on n'en dit jamais, ou très peu: sur la fausseté des textes publicitaires, l'égoisme et l'arrogance, la manque de confiance trop facile, la charité qui ne fait pas plus de bien à l'autrui qu'à la personne même, les "connaissances" plutôt que "les amitiés". Ce sont soit ces mots qui percent, les idées presque taboues que l'on cache souvent pour maintenir l'harmonie de la société et des relationnels, soit les propos délibérément irritants pour irriter ses bien-aimés.

A la soirée de son anniversaire, son visage tendu est comme un masque modelé, celui dans une tragédie ancienne, ses yeux brillant de folie: on dirait un être occupé par le diable.

J'admire les jeux de l'acteur. J'admire en général ceux qui parviennent à communiquer leur état d'âme simplement avec leur air et regard, sans mots dire, et qui fait pour autant frissonner d'angoisse anonyme.

Au niveau du scénario, j'ai trouvé le déroulement d'histoire particulièrement naturel. Sur ce point, je pense à deux autres films: Paris, qui n'a pas d'histoires linéaires mais entrecroisées, et Le Silence de Lorna, meilleur scénario du Festival de Canne 2008. Ce meilleur scénario m'a déçu lorsque je l'ai vu l'été dernier, il a un sujet sensible certes, qui parle des affaires de mariage international payé pour obtenir la nationalité française. Toutefois, les petits tracas ne stimulent pas plus le spectateur, sans doute parce qu'ils manquent de force sentimentale, mais aussi parce que la fin du film m'a semblée assez banale: suspence de l'histoire. C'est trop facile de laisser l'héroine dans une situation de n'importe quoi et puis point barre.

Il faut dire que la fin de Deux Jours à tuer n'est pas extraordinaire non plus, et ce genre de sujet a déjà été traité en plusieurs reprises. Mais en même temps, l'important pour un tournage à nos jours, tout comme pour l'écriture, ne serait pas "qu'est-ce qu'on tourne" mais "comment", question de construction et de composition des histoires, des conditions et des idées.

Si j'insiste sur le mot naturel, c'est dire que la connection des faits est très fluide. Les malentendus et le sort maudit continuent à se succéder parfaitement, comme le destin l'a présagé, et ce qui permet d'imprégner les spectateurs dans les sentiments des personnages. Becker a surtout su utiliser la caméra pour rendre pleine une impression, protéger la vérité pour qu'elle reste dans le hors-champ et que les spectateurs aient un espace d'imaginaire et un moment de reconstruction des plusieurs parties de l'histoire: une approche bien traditionnelle, très littéraire d'ailleurs, au sens sémiotique.

On trouve déjà tant de signes dans les mots, dans la prononciation des mots et les sentiments qui s'y incarnent, dans les gestes. Dans l'accent aussi: un trucage identitaire facile à reconnaître. "Je me tire", crie l'homme déprimé, et part en bateau vers l'autre continent où l'on parle l'anglais. Ainsi, tout le plan où Antoine parle avec un homme devant un bistrot semble juste pour informer le lieu où se trouve le héros: on entend un fort accent ecossais, ce qui me surprend pendant 3 secondes, je l'avoue, car j'avais pris l'habitude d'écouter cet accent qui a marqué mon séjour à St Andrews et que je n'aime tjrs pas trop parce je l'ai trouvé bien théâtral et curieusement néfaste. "Irlande", est évoqué plutôt ce territoire-là dans les conversations d'Antoine avec le vieil homme qu'il rend visite. Ah bon. Je ne suis pas resté suffisament longtemps en Irlande pour savoir que les gens y ont le même accent que les Ecossais. Mais passons.

Le titre en est un autre point où s'aperçoit le charme ou la force des lettres. En français, Deux jours à tuer, en anglais, Love me no more. Une certaine contradiction se trouve entre les deux versions, et c'est exactement le même cas pour un autre film réalisé par François Ozone: Le Temps qui reste en français, Time to leave en anglais. J'ai connu ce film grâce au "Movie Night" organisé dans ma résidance de St Andrews, la différence des titres aurait provoqué un petit malentendu entre quelques amis anglophones et moi, avant que ça ne devienne une blague à en rire.

Toute explication est inutile dans le film, voire interdite par Antoine lui-même. Les choses se révèlent au fur et à mesure et semblent le faire automatiquement. On a compris seulement à la fin du film qu'Antoine aurait osé communiquer à sa femme son petit secret, son germe de folie son mal, dans le jeu d'enfant, dans un échange de clin d'oeil simplement...Et je regarde le visage de cette femme derrière le vitre, je me dis qu'à sa place, je mourrirais de mal au coeur, un mal que je crois avoir bien connu et que bien des femmes auraient connu.

Plongée dans l'idée même, j'ai entendu surgir une voix rouillée qui résonne en monologue. J'ignore de qui est cette voix. Je me dis que ce devrait être la voix de Becker, vieilli, qui a vécu toute une vie de cinéma et à qui l'on devrait rendre le respect. Si c'était moi qui tournais, je réserverais sans aucune doute ce moment précieux de noir pour moi-même, pour crier et interroger moi-même: comme intitulé.

(l'article commencé le 05/03/09)


03/03/2009

Un cas de "poison contre poison"?

Je suis rentrée au bureau vers 19h hier après la conférence de presse et j'étais épatée en lisant le message concernant la vente (encore!) des têtes de rat et de lapin. Le message a été envoyé par un monsieur français parmi les membres de "Club Chine" dernièrement fondé, le message dit que ca a été un chinois qui a acheté les têtes par téléphone, ce qui n'étonnerait personne, Christie's déjà dit devant les médias qu'ils privilégierait les acheteurs de la part chinoise; le message dit ensuite que l'acheteur chinois refuse de payer, non pas qu'il s'est rendu compte tout à coup qu'il n'a pas assez d'argent, mais qu'il a fait exprès: "je crois avoir fait ce que chaque chinois va faire: je ne peux pas laisser les autres acheter ces têtes et en même temps je ne peux/veux pas payer."

Je proteste. Ce sont des propos d'ingénuité, ou d'ignorance, ou de mauvaise foi (typique hein..) Quelle logique! Un pillage-trucage du XXI siècle contre le pillage XIX siècle?! Ce bon acheteur devrait avoir trop bronzé sa tête pour faire ce geste. Stratégiquement, c'est une méthode qui ne se tient pas longtemps sauf si Christie's cède complètement et laisse les têtes retourner comme ça en dépit d'éventuelles critiques des médias françaises. Du côté chinois, M. Cai a perdu sa crédibilité/foi dans cette affaire tout en rendant pire la réputation des chinois dans le monde des business, du côté Christie's, ils auraient encore subi des critiques qui dénonceraient leur tendance de compromis et l'aspect irrégulier de cette vente qui a serré le nerf de certains gens au Grand palais.

Je dis deux choses et je stop: primo, le fait de manger les paroles me répugne et c'est l'une des choses qui peuvent le plus souvent m'énerver. secundo, le jeu ne se joue pas bien si l'on ne parvient pas à bien connaître ses règles.