24/12/2008

Carte de Vœux(recyclable)

Comme j'ai toujours beaucoup aimé ce petit cadeau virtuel , offert par le bureau Mundus à l'università degli studi di Bergamo l'année dernière, que j'ai partagé avec vous, je me permets de vous l'offrir encore une fois cette année, tant qu'il est recyclable.

Joyeuses fêtes à toutes et à tous.

L’exposition tibétaine- Ji Xiang Ha Da (II)

Malgré la maladresse qu’ on a ressenti à l’entrée, la typologie à l’intérieur est bien conçue en général, on compte 11 zones autour de cinqs thèmes (Histo, Nature, Humanités, Arts, Trésors ; le numéro 5 étant sacré dans leur religion comme dans quelques d’autres). C’est ainsi que s’est faite la rencontre avec les objets de haute valeur qu’on ne voit même pas lors d’un voyage au Tibet. On fait des tours et des tours entre les murs, comme on les faisait autour d’un temple tibétain, et on découvert les objets rituels (les pierres Ma Ni gravées de sentences, l’os d’une tête de veau...ah je rigole.) et agricoles, les ustensiles religieux et quotidiens(dont un radeau en peau de yak, un luth divin avec six cordes, une planche d’environ 30cm x 7cm, gravée de très très jolies peintures colorées et qui servait de pupitre pour les petits nomades de naissance aristocratique), les costumes tibétains qui font traîner les femme visiteurs, et les masques, avec une face qui sert à effarer les démons dans les danses rituelles(souvent en blanc, couleur divine des Tibétains) ou dans l’opéra tibétain(souvent en rouge sombre, pour choquer la vue).

(Photo à gauche: le masque sur la photo est suspendu à
l'autre face de la tête au-dessus d'une robe du haut fonctionnaire
tibétain dans l'expo, ce qui m'a fait bien rigoler.)

Les rouleaux tibétains, les Tang-Ka, ou Thang-ga en tibétain, restent les oeuvres les plus impressionnantes de toute l’exposition, à mon sens. Ce sont les images de différents Bouddhas, peints selon chacune de leurs légendes. Le tout est brodé à la main(pour la plupart) ou peint sur un étoffe en cotton à la base d’une maquette, puis encadré d’étoffe, avant que les rouleaux ne soient ajoutés sur le haut et le bas. C’est l’abondance de signes et de symbols qui se perçoivent dans une telle oeuvre, on dit que sur un seul Thang-ga (70cm x 150 cm environ), il faut écrire un bon livre pour expliquer le sens qui s’y incarne : « Comprenez ! Pour les occidentaux, une peinture à l’huile, c’est simple ; il ne s’y trouve pas autant de sens que dans un Thang-ga ! Voyez, ce Bouddha, n’est-ce pas plus merveilleux que la Jaconde ? » Soit. Mais pas tant que ça, finalement. A nos jours, un Bouddha ne séduirait pas autant qu’un sourire du genre de la Jaconde, s’entend.

En revanche, j’ai pensé encore une fois à la peinture italienne, voire byzantine. C’est intéressant de voir que les religieux de l’Est comme de l’Ouest ont tous cherché un effet de divinité, ou de scintillement, pour être mondain. Les italiens du XIVe siècle ont su utiliser largement l’huile en tant que matière, ce que que leur ont initié Van Eyck (si ma mémoire est bonne), afin que les figures des dieux se reflètent dans les lueurs des bougies ou dans les lumières naturelles des église ; les Tibétains utilisent quant à eux les fils d’or pour broder les toits d’un temple, l’aura d’un Bouddha, etc. On reçoit alors les mêmes effets visuels, quand on aperçoit les statuts à distance. Sans parler que les peintres italiens de la Renaissance sont aussi connus de leur exigence sur les détails qui ne manquent pas de sens ni de signification.

Ce qui est très dommage dans la contemplation des Thang-ga, c’est que les explications sont trop rudimentaires pour qu’on puisse comprendre, même grossièrement, ce que veulent dire les différentes couleurs employées sur le statut d’un Bouddha, par exemple. De même, comme la légende du rouleau médecin est écrite en tibétain, sans titre ni résumé, je ne peux que lire graphiquement pour admirer l’illustration des principes de la médecine tibétaine autour de cinq éléments fondamentaux : comment se varient les cinq éléments dans notre vie et comment maintenir leur équilibre dans l’alimentation, dans l’exercice sexuel comme dans la prolifération.

Il est vers la fin de l’après-midi, et donc vers la clôture de l’exposition à Shanghai. Les effectifs se montrent mous, commençant à ranger peu à peu les oeuvres exposées. Pour la première fois, j’ai pu voir les gens décrocher et empiler les tableaux, les écarter les uns des autres avec un étoffe de velours. Sur le côté, plusieurs jeunes moines sont en train de décrocher soigneusement un énorme Thang-ga sous la commande d’une femme âgée tibétaine. Je suis allée demandé l’un d’entre eux : « vous allez à quelle ville prochainement pour la tournée de l’exposition ? » Lui répond : « Ting bu dong. / Comprends pas. », avec la réserve et la timidité qu’on perçoit chez bien des tibétains du peuple. Je pose alors la question à la femme âgée. « Rentrons à Lhasa./Hui Qu La Sa », l’a-t-elle dit tout brièvement. Ah bon, pas à Pékin alors, comme l’a écrit sur la presse. Une autre femme m’a expliqué plus tard qu’ils iront probablement à Su Zhou(dont la conservation des traditions est connue par tout le monde), à Shen Zhen aussi (où il y a pleins de nouveaux riches qui auraient soif de la culture), mais pas à Pékin, dit « c’est pas le moment ».

Ca me paraît assez curieux d’entendre qu’il ne convient pas de faire la tournée à Pékin. Au début, je me demandais si ce genre d’exposition ne serait pas problématique aux yeux du gouvernement, mais non, j’ai lu dès l’entrée de la salle l’introduction de l’association CAPDTC qui s’occupe de l’art et la culture du Tibet et dont le siège se trouve justement à la Capitale ; pour l’exposition, l’association a également obtenu le soutien des autorités centrales et tibétaines, et celui de la fameuse CCTV(central, même si tout le monde s’en moque)—sur ce, on m’a appris récemment que, pour le bien déroulement des ONG, dont les activitées sont assez présentes dans ma vie actuelle, vaut mieux 1- avoir le soutien officiel, au moins c’est dit comme ça selon les sous-jacents chinois ; 2- agir selon les contextes où l’on se trouve : la notion des « contextes » est bien à la mode, mainetant que nous sommes tous dans le courant de la mondialisation et que l’on change de repère culturel du jour au lendemain.

En ce cas, qu’est-ce qu’on peut envisager sur les événements culturels en Chine ? Il y aurait peut-être aussi une « 3e voie », pallèle à celle du développement économique, dans le secteur culturel : si par hasard le gouvernement dit oui et donne les subvensions pour certaines activités culturelles (dont la restauration d’une partie des oeuvres d’art tibétaines, il faut le dire), tant mieux, on serait alors sous un système semblable à celui de la politique culturelle française qui donne les soutiens à la culture (hélas beaucoup moins qu’avant en ce moment) ; pour le reste, il faudrait emprunter une méthode anglo-saxone(dite libéraliste ?) et prendre l’autonomie pour chercher le financement en convainquant les riches cultivés.

Humm...faut-il dire alors qu’on est heureux d’être Shanghaien pour accueillir les oeuvres de qualité qui sont politiquement sentibles ? Mais déjà, on m’a déconseillé de parler de la politique. Je me contente alors de regarder les gens renrouler soigneusement le gros Bouddha, et ce geste même aurait porter un sens religieux pour eux. Entre temps, une sentence m’est survenue dans la tête...La souvenez-vous ? « Fo Tsi Tsaï Sin Tchong », la prononciation française que Ben m’avait apprise : « Le Bouddha est en soi. »


Source photos: le masque tibétain, la pierre Ma Ni ;
Pte gallerie des objets exposés: Ji Xiang Ha Da

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Infos pratiques:

- Site de l’ONG organisatrice CAPDTC (China Association for Preservation and Development of Tibetan Culture): (En/Chi) http://www.capdtc.org/

- Site sur la culture tibétaine : (En/Chi/Tib) http://en.tibetculture.net/

- Site de l’exposition à Shanghai : (Chi) http://www.jixianghada.org/

23/12/2008

L'exposition tibétaine- Ji Xiang Ha Da (I)

Une exposition tibétaine, Ji Xiang Ha Da/Auspicious Hada, s’est tenue récemment à Shanghai. J’en suis au courant assez tôt, mais j’ai traîné et j’ai traîné, et lorsque j’ai décidé d’y aller dimanche dernier, j’ai rendu compte que c’est la dernière journée de leur passage à Shanghai. Une durée de 7 jours seulement, du 13 au 21 décembre : on dirait une expo-éclair. Pourtant, celle-ci est dite « de la plus grande envergure/biggest ever » sur le Tibet depuis 1949, avec deux bonnes années de préparation.

Le tarif normal est de 60 yuan, c’est bien le prix européen et ça revient quand même un peu cher, car l’on n’avait pas d’habitude de payer autant pour une exposition ici. Ce serait aussi une barrière invisible quant au choix du public: les personnels administratifs, les autorités de l’art et de la culture et les principaux medias qui auraient forcément reçu les tickets offerts ; les gens internationaux, les gens cultivés, dont les jeunes employés et les étudiants. Autrement dit, les potentiels chercheurs ou touristes ou/et amateurs du Tibet et de sa culture. Autant espérer que ces bénéfices aidera à la conservation et à la transmission des patrimoines tibétains.

Si l’on veut y aller juste parce que l’on croit pouvoir découvrir ce qu’est le Tibet, ça risque d’être décevant, du point de vue voyageur pas tellement touristique ; et j’ai compris cela avant de m’y rendre, en lisant les infos et les photos sur l’Internet. Déjà à l’entrée, on tombe sur une petite installation des Feng Ma Jing Fan, enseignes qui flottent dans les vents de plateau et sur lesquelles sont écrites les textes religieux : « ong-ma-ni-ba-me-hong/rõ », les mêmes textes sont gravés sur les pierres Ma Ni que j’évoquerai plus tard. (Je vous invite à les murmurer devant le feu de la cheminée du Noêl pour s’acquérir de la quiétude et la fortuna d’origine tibétaine, en plus des cadeaux du Réveillon.) C’est l’un des paysages les plus communs dans les régions tibétaines, mais là, ces enseignes me paraissent assez forcées, tant qu’elles ont quitté leur milieu religieux ; de même que les tentes, dépeuplées et déplacées des plateaux au hall d’exposition.

Je parle de ça moins comme une critique que comme un constat de ce que j’ai resenti, je me rappelle que lors de ma visite du Louvre après mon séjour en Italie, en regardant les peintures religieuses italiennes illuminées des lumières des lampes, je déplorais la disparition du charme ambiant des tableaux qui se trouvaient jadis sur les murs des églises et qui nous inspiraient un sentiment mystique sous la lumière du jour qui pénère dans l’espace de la vénération. C’est un paradoxe inévitable d’exposer les choses liés à la vie religieuse (et nomade) dans un contexte laïque (et civilisé) ; néanmoins, un compromis n’est pas impossible, il serait peut-être mieux que l’on organise par exemple la re-présentation des (mini) foires tibétaines, comparables aux foires médiévales qui ont régulièrement lieu en Midi-Pyrénées.

Les organisateurs ont pourtant pensé au principe du spectacle, on peut voir ainsi plusieurs stands de démonstration où quelques Tibétaines travaillent sur un métier à broder, quelques moines qui montrent l’art de la construction d’un grand temple sablé (ou plutôt une sorte d’arène? Quelle magie de mot...), dit « dul-tson-kyil-khor » en tibétain. Celui-là est l’une des meiveilles que l’on peut rencontrer lors de la visite. Dans la matière qui sert à la construction d’un temple sur un plateau modelé, il n’y a pas que les sables, c’est un mélange de grains de l’or, des pierres précieuses, des pétales, du riz et des sables blanc. C’est avec ce mélange que, lors des cérémonies religieuses, les moines parviennent à construire un temple coloré et scintillant, dont la structure ordonnée, transformée du chaos, synthétise et symbolise au grand celle d’un pays et d’un territoire, au petit celle d’un corps humain. Le processus de la construction est en même temps un exercice religieux pour ces moines : « la prospérité mondaine, ce n’est qu’une poignée de sable /繁华世界不过一掬细沙. », dit ainsi le maxime bouddhique. En effet, quand un coup de vent va tout emporter, il ne restera que le néant, ou son contraire, l’éternité.

(source des deux photos: ICI)

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Infos Pratiques:

- Site de l’ONG organisatrice CAPDTC (China Association for Preservation and Development of Tibetan Culture): (En/Chi) http://www.capdtc.org/

- Site sur la culture tibétaine : (En/Chi/Tib) http://en.tibetculture.net/

- Site de l’exposition tibétaine à Shanghai : (Chi) http://www.jixianghada.org/

18/12/2008

Arpenter Shanghai-(II) La Rivière SuZhou

--A quoi espérer retourner encore sur les bords du lac? (ZHANG Xingyong/ [Ming])

Nous deux ont voulu aller voir Su Zhou He, Neige et moi. C’est parfait. Neige a toujours été attirée par le film de Lou Ye, Su Zhou He, le mélange d’une légende d’amour avec la nostalgie tranquille d’une vie désordonée, brute et bruyante, résolue ; tout sauf l’espoir, qui se perd dès le début du film : «-Si un jour je m’en vais, t’irais me chercher comme Ma Da (ie : le Moteur, nom du héros) ? -Sûrement. -Tu iras toujours me chercher ? -Oui. -Jusqu’à la mort ? -...Oui. -Tu mens. »

Moi, j’ai eu envie de revisiter le quartier artistique de Mo Gan Shan Lu, aujourd’hui portant le nom de « la Zone Artistique de M50 » ; de voir simplement ce qu’est devenu le bord de l’eau. Les bords de l’eau. Quand on s’estime un attachement particulier pour les eaux, matières largement féminines, l’on ne peut s’empêcher d’y aller faire une fugue.

C’était décidé, on irait voir le quartier proche de la Gare.

Lorsque le bus tourna à gauche au côté nord du Bund, que l’embouchure de la Rivière se présenta sous nos yeux, je montrai l’extérieur : « Regarde, c’est Su Zhou He. » « Déjà ? »

Déjà, oui. Sauf le Fleuve Huangpu, le cours d’eau que l’on aurait vu dans cette ville, c’est Su Zhou He, ou ses branches, qui portent chacunes leur propre nom, et qui pénètrent cette ville dans les zones différentes à l’ouest comme à l’est.

« Et c’est là où est tourné les scènes de Su Zhou He ; souviens-toi du gros pont en acier ? C’est le Wai Bai Du Qiao. Là. » Le Bund Free Crossing Bridge, l’ont traduit ainsi les Anglais qui l’ont construit en 1907. La drôle esthétique de cette ville part souvent de l’idée de favoriser les business, ce qui n’a guère changé depuis un siècle. Mais j’ai compris seulement maintenant que j’aurais dû inventer, lors de notre passage à l’embouchure. Wai Bai Du Qiao n’est pas « là », il est déménagé, parti en restauration jusqu’au printemps prochain, dit la presse. Je deverais avoir vu ce pont dans une l’autre fois, où je faisais le trajet entre Shanghai Building et la vieille ville avec l’homme que j’avais aimé.

La bulle d’illusion me quittait un moment lorsque le bus nous laissa au terminus près de la Gare. J’y ai jamais été. Enfin, je n’ai jamais accédé au Su Zhou He depuis cet endroit-là. Alors on demandait le chemin. « Là ! », l’homme mou pointa vaguement son index vers l’autre côté de la rue. Autant s’impoviser. Après quelques détours, nous voilà devant la barrière d’un quartier résidentiel. « Interdit d’accès aux inconnus. » Se lit sur un panneau. Ah bon ? Mais quel chemin à prendre ? Demandons.

Le garde nous indiqua gentillement le chemin, nous céda l’accès. A peu de pas près, nous découverîmes la rivière qui coulait tranquillement à notre gauche. L’Allégresse nous occupait. J’ai compris qu’auparavant, j’avais toujours accédé à la rue de Mo Gan Shan depuis l’autre rive, où il y a les barrages ; et que pour cette raison, je n’avais jamais pu voir de face ces usines désertes qui demeurent.

Et il n’y a pas que les usines qui demeurent. Certainement pas. Dès la première vue, il est impossible de ne pas remarquer cette jolie maison en brique, qui se tient toute seule dans un espace assez large. Comme on dit, tout est rasé sauf celle-ci, devenue monument historique et ainsi échappée au sort de disparaître. Est écrit là-haut : « Island ». Demeure des insulaires, irais-je interpréter ainsi. Joli nom.

Un homme était venu vers nous, nous aidait à prendre la photo, nous ouvrait la parole pour raconter les histoires en mandarin avec accent. Island s’est transformé en gallerie d’art. C’est ça. « Et les usines ? » « Les usines, ah...ces deux-là en rouge, voyez, ça date de loin...on dirait dans les 1920s. Elles sont jolies, non ? ...Et celle en blanc, c’est plus récent. Derrière, le bleu, c’est encore plus récent...Il y a des années, toutes les usines sont déménagées en banlieu. La pollution, vous savez. »

Il dit que bien des ouvriers eurent dû subir du chômage, Xia Gang, mais qu’aujourd’hui, arrivés tous à l’âge de retraite, ils vivaient correctement grâce à la sécurité sociale actuelle.

--Et vous, Monsieur, que faisiez-vous ? Ouvrier?
--Oui, ouvrier. Ah...j'habite ici depuis long.
--Et, là, vous vous promenez ?
--Promener, hélas, oui... Attends la mort ! Il se moquait en souriant.

Tout le monde attend la mort, Monsieur. Le faire dans les promenades aux bords de l’eau, c’est du bonheur. Mon père est comme vous, Monsieur. Ouvrier. Vous êtes bons hommes, vous, les anciens ouvriers shanghaiens ; vous qui avez éliminé de votre dictionnaire tous les termes concernant le bonheur, vous ne vous anéantissez pas, pour autant.

--Avant, n’est-ce pas, c’étaient tous les bidonvilles ! Tout au long du barrage !

Monsieur, Monsieur, je m’en souviens. Les rives étaient bien sales, s'y réunissaient les miséreux. Les bateaux pauvres s’alignaient au bord, ou se déplaçaient doucement sur l’eau qui sentaient légèrement. J’étais toute petite, la rivière me dégoûtait parfois, mais en même temps, à chaque fois que je m’y trouvais, je m’en réjouissais. Je pédalais loin à l’époque, à deux, avec ma mère ou mon père, ou à trois, avec ma mère et mon père. Trois vélos, ensemble. Je ne connaissais point le chemin, suivais simplement les grands, le long du barrage. Je savais pourtant que vers l’ouest, c’était pour voir la mère de mon père ; et vers le nord-est, ô là là, c’était loin, c’était une heure de route, pour voir la mère de ma mère. J’adorais passer les ponts. Ce n’étaient pas les grands ponts, en passant par lesquels l’on était forcé de ramer pour y monter et, pour descendre, on s’envolait en lâchant le frein.

C’étaient les ponts en arc, médiocre, pour ainsi dire. Pour traverser la rivière, on descendit le vélo, fit la queue, poussa le vélo en avant sur une pente étroite à la bordure des escaliers. C’était le jeu d’équilibre dans lequel je me hâtais de prouver que j’étais grande fille. Et j’aimais rester un moment au plein milieu du pont, regarder la rivière d’une couleur terne et au dessus de laquelle flottaient les ordures. Regarder passer les bateaux, les gens qui venaient et qui s’en allaient. Et puis, c’était le délice pur de pédaler le long des barrages, élevés ou bas, de se déplacer avec les bateaux, regarder les rives qui se varie d’un quartier à l’autre, tout en se discutant à haute voix.

Les barrages sont transformés aujourd’hui en passage de promenade joli et propre. Monsieur l'ancien ouvrier continuait à nous parler de la Rivière en mandarin avec son accent shanghaien, disant que les quais étaient en train de se construire et qu’il y aurait bientôt les bateaux. "Imaginez, on pourra visiter Su Zhou He en bateau !" rit-il.

Ah, le ferry, oui. Ferry de rêve, ferry de cauchemar et de fantasme que j’avais connu lors de ma dernière fugue britannique... Ca alors, on aura bientôt le ferry à Shanghai, comme les mouches à Paris ou à Londres ou comme le vaporetto vénitien. L’idée est chouette, quand on y pense. Il faudrait juste que la pollution se réduisse et que les sites développés soient suffisamment attirants. On se déplacera sur Su Zhou He en ferry, non pas pour visiter les sites touristiques mais pour retracer le trajet du vélo d’autre fois. Bien futuriste, et humoristique.








(Photo à gauche/moi) (Photo à droite/Neige)

16/12/2008

Arpenter Shanghai-(I)le Jardin YuYuan

Voici une journée pleine, la dernière journée de mes moins-de-25-ans. Avec Neige, j’ai arpenté Shanghai, sous le soleil pâle qui réchauffe par temps froid.

A vrai dire, je ne peux guère prétendre guide. A chaque fois que je fais visiter Shanghai, ce sont les amis arrivant à Shanghai qui me font redécouvrir cette ville, visiter les endroits où je n’ai jamais mis mes pieds, revisiter mes lieux préférés où j’aime me promener seule et à mon rythme, essayer les trajets aléatoires que je n’ai pas pris auparavant.

Traverser le pont en comptant les neufs zigzags. C’est la première fois que j’entre dans le jardin Yuyuan, avec le souvenir que j’ai. A l’accès du jardin, je me rends compte d’un sentiment agréablement étrange. Ce jardin même, déjà, me paraît étrange : un Shanghaien des 1700s l’a construit pour plaîre à son père, avant que la famille n’ait connu le déclin. La piété filiale, le (Xiao), est devenu la cause directe de la construction de cet unique jardin classique de la ville même, dans un quartier qui n’est classique qu’en apparence. Le jardin entier semble être quelquechose de transplanté, et pourtant il fait son Histoire.

J’ai toujours eu de la peine pour décrypter le sens des caractères calligraphiques, les signes symboliques de telles ou telles pierres ou de tels ou tels seuils. On suit librement les pistes qui nous mènent vers les différentes cours, vers les salles, les pavillons, les rocailles, l’étang, vers les couloirs à demi ouverts. Détour après détour, j’y perds le repère et du temps et de l’espace, et je ne peux rien faire avec les idées flottantes que de me laisser emmener ailleurs que là où je suis.

Les façades de Bergame me sont revenues à l’esprit. Les statues religieuses y sont souvent plus somptueuses que les gravures du Yuyuan, mais les deux sont réalisées avec autant de minutie et de raffinement. Les concepteurs du Pavillon France n’ont donc pas tort de rappeler que l’Europe et la Chine partagent la culture jardinière, l’conographique et l’idéographique devraient avoir plus ou moins les language en commun. Je reprends mon habitude et me contente de faire les travellings ralentis de la vue : les miniatures en haut des toits, les figures gravées sur les portes en bois, les courbes aériennes, les pics et les grottes.

A un autre moment, on cherche « la scène d’opéra ancienne» comme ce qu’est indiqué sur le panneau, tandis que l’on ne voit que les salles. Neige dit qu’hé alors, les anciens jouent l’opéra dans les salles ? Je dis que ce devrait être vers le fond de la cour, que ce serait les planches avec quatre pieds en bois.

Nous y sommes. Les planches, trop sobres pour être intégrées au climat du jardin, se sont retirées à la moitié sombre de la cour. Dès que je les ai vu, je me trouve de nouveau hantée par la mémoire. M’est survenue l’illusion d’une figure mince et petite, assise sur les planches et qui dessine.

C’étaient dans le bourg ancien de Fenghuang. Il pleuvait, il n’y avait personne dans la ruelle dallée. Je tombai sur une maison mémoriale dédiée à un ancien personnel, où j’avais connu pour la première fois les planches anciennes. C’était le vide qui s’imposait mais qui impliquait une beauté exceptionnelle. Personnes d’autres qu’un garçon, assis sur les planches, qui était en train de dessiner. Il me dit qu’il se préparait pour le concours d’entrée à une école de beaux arts l’année suivante. Je dis qu’alors on était au même âge. Je montai sur les planches pour le regarder dessiner. Lui me racontait des histoires de la maison et du bourg, de sa vie qui se résumait en quelques mots, de son rêve de devenir peintre. Sa voix était d’une douceur apaisante, comme venue de loin, mêlée du silence et des bruits de la pluie.

En me rappelant de cette scène, à l’autre moitié ensoleillée de la cour, je m’appuie contre le mur au-dessus duquel est construite la chambre dans laquelle les maîtres d’alors regardaient jouer l’opéra. Je repose longuement mes regards sur les planches anciennes où le temps s’immobilise : que je me fonde dans l’atmosphère de ce lieu intemporel, m’évapore sous les lumières d’hiver qui réchauffent. Je ne peux résister au charme de telles lumières, ni à celui de la paix qui a marqué la voix du garçon de Fenghuang et qui règne dans le jardin Yuyuan lors de notre visite.












Gauche:
C'est une photo mal faite mais qui me plaît beaucoup.
Les statues en miniature sur le toit sont devenues, sous l'effet contre-jour, les ombres en peau qui réalisent en quelques sortes une scène de théâtre: une percée d'inanité, dans laquelle le temps, comme le mouvement, se cristalise. (photo/Neige)

Droite:
Détail d'un oiseau sur la fenêtre en bois (Source: Wiki-Gallerie)

07/12/2008

Chasse de l’ennemie imaginaire, ou l’art de la soufflerie

(En écrivant ce billet, je fais référence à l'article publié sur Lemonde.fr: "Pour la Chine, la France est le maillon faible de l'Europe.")

Je ne comprends pas pourquoi les deux Continents ne se comprennent toujours pas sur un même problème, celui du Tibet; pourquoi les dialogues de sourds entre les spécialistes géo-politiques français et les chercheurs historiques chinois se poursuivent et les querelles restent les mêmes.

Je suis déçue par Lemonde.fr qui fait publier un soi-disant entretien marqué par l’absurdité et qui me semble, en un mot, aberrant.

Cet article provoque véritablement, et les Français et les Chinois. Pour ceux qui font le socio-linguistique (nouvelle issue pour les étudiants en langues étrangères !), ce serait aussi un très bon exercice d’analyse : non moins intéressante que celle du discours de Sarko dans l’élection présidentielle.

Q1 : Pourquoi la France est « le maillon faible » ?

Argument 1 : selon Monsieur le spécialiste de la Chine :le forum CHI-EU a été annulé officiellement à cause de la rencontre prévue entre Sarko et Dalai Lama.

Argument2 : Gordon Brown et Angela Merkel ont tous les deux reçu Dalai et ne se sont pas rendus au JO de Pékin (mais ces deux chefs ont-ils lié leur absence à la rencontre avec Dalai?), mais la Chine ne vise qu’à la France lorsque Sarko annonce sa rencontre avec Dalai après je ne sais combien de fois de changement d’avis.

Conclusion : « ils(les Chinois) ont trouvé où le coin allait rentrer. » : la France leur ont été le maillon faible. Et comme les Chinois ont l’habitude de taper le faible et caresser le fort(ce spécialiste aurait étudié les anciennes tactiques chinoise (réf Sun Zi Bing Fa), DONC, "la France=le maillon faible" lui devient la vérité.

Q2 : la Chine a toujours tapé sur le même (la France) ?

« Historiquement », souligne-il. Oh lala, quelles perspectives précieuses. Il critique alors les diplomates français qui ont une vision «totalement déconnectée de la réalité ». Qui ça, ces diplomates déconnectés ? Paul Claudel ? Victor Segalen, ou encore Henri Michaux ? Autant critiquer la littérature moderne de la France. Mais alors, ceux qui s’approchent d’une civilisation inconnue, qui découvrent et transmettent la culture sur le terrain, qui expliquent et tâchent à communiquer, à faire comprendre, ils sont « totalement déconnectés de la réalité ?? »J’irais dire que, cher Monsieur le spécialiste de la Chine, détrompez-vous, vous n’auriez jamais connu la Chine si vous n’aviez pas connu ce qu'ont connu ces dimplomates sur la Chine.

Q3 : « le concours d’excuses »veut dire donc la soumission à Pékin ?

Monsieur le spécialiste de la Chine, vous nous faites rire. Devons-nous considérer cela comme une sub-flatterie ? Méprisons les diplomates français alors, comme vous le voulez, prenons leur collègues anglais. Vous savez, ceux qui ont offert le cadeux en premier à l’Emprereur d’alors, ce sont ceux qui ont guidé les canons pour ouvrir la porte de la Chine par le feu, dont vous devriez être familier. Mais vos propos me paraît étrangement ressemblables aux propos des Chinois qui disent il n’y a pas longtemps « n’oublions pas notre honte dans la Guerre de l’Opium ! Il ne faut pas se soumettre aux forces occidentales ! la Chine d’aujourd’hui n’est pas comme celle d’hier ! Soyons forts ! » Le sous-entendu, Monsieur, c’est que vous, comme ces Chinois, aimez prendre la honte pour la cause. N’est-ce pas triste ?

Q4 : « Ils n’ont pas eu à l’interpréter ! » ?

Vous êtes trop efficace, Monsieur le spécialiste de la Chine. Vous devriez savoir très bien que ce sont les jeux de média qui sont en question : ignorer ce qu’il faut ignorer, et provoquer ce qu’il y a à gagner. Vous, comme Lemonde.fr qui vous donne la parole, auriez trop interprété la fermeté récente de la Chine, et inversement, les media chinois, dont Huan Qiu Shi Bao, traduit votre provocation et, à leur tour, interprète comme l'hostilité française certains commentaires (les plus irritants bien sûr, décorés des titres qui attirent le plus de cliques des internautes indignés) du forum sur le Lemonde.fr , quotidien français réputé et qui sert souvent de 1ière référence des sources journalistiques pour les presse chinoise.

Q5 : Qui êtes-vous, Monsieur le spécialiste de la Chine ?

Vous êtes bon spécialiste de la Chine, Monsieur. Vous vous souvenez tout le temps de « l’embargo sur les armes initié par la France en 1989 » et san doute des aéro-business râtés (n’est-ce pas la source originaire de votre attitude...) à la place des Chinois. J’ai été curieuse de votre parcours et de votre identité, j’ai eu un peu de la peine de cueillir votre nom parmi vos propos recueillis : Jean-Vincent Brisset ; mais sans peine, j’ai trouvé Wikipedia qui vous présente : Oh lala...vous avez fait Ecole de l’Air, puis Langues’O, puis Ecole de Guerre ! Vous avez été ingénieur, pilote de chasse, et vous avez connu Pékin en tant qu’attaché militaire !

C’est pour cela que vous êtes imprégné des stratégies militaires de nos ancêtres ? C’est pour cela que vous dites que la Chine voudrait « piétiner » les pays membres de l’UE l’un après l’autre sauf l’UK (pourquoi pas donc, si celle-là veut vraiment piétiner?) Vous êtes trop sceptique pour croire à la stratégie renouvelée de gagnant-gagnant de la Chine. A part ça, selon ma pauvre connaissance de l’Europe et selon mon intuition qui est moins pauvre, je crois que vous avez confondu un peu la notion de l’Allié (ce serait bien de votre domaine) et celle de l’Union. Que l’aide mutuelle et la solidarité au sein de l’UE font quand même la différence. Que la France ne « se retranche PAS derrière l’Europe » parce qu’il lui faut éviter l’écart et la crise diplomatique : comprenons qu’elle est actuellement en tête ; mais que la France s’intègre vraiment(qui a dit NON ?) et contribue à une collectivité plus large qu’elle. La solidité de l’Europe n’est pas à tester par la Chine mais par l’UE elle-même tout au long de sa construction.

Enfin, vous alliez me demander mon avis sur cet incident politique. J’épargne un peu mon espace, je propose simplement l’article de presse de l’Ambassade de France en Chine (plus ou moins ignoré par la presse chinoise) , avec lequel je suis d’accord. Et je dis simplement ceci:

Chine, méfie-toi de toi-même.

France, -brouillez-vous !

Je me ferais moquer par les gens des deux pays en disant cela. Mais ça a peu d'importance.

Bon dimanche .

01/12/2008

Rubik's Cube

Je n'ai découvert ce jeu de Rubik's Cube que tardivement lors de mon séjour à Paris. La Cube est en même temps une oeuvre d'art, installée sur la place à côté de l'Hôtel de Ville: quatre cubes, empilés, font un ensemble; sur les différentes faces sont écrites les phrases en français, en chinois, en arabe(je crois), et peut-être en anglais, je ne m'en souviens pas.

Faut tourner les cubes en bois pour trouver le texte dans la langue du joueur:

一切的类似,

Tous égaux,

一切的不同,

tous différents,

都融合一处,

tous unis,

为了一个宽容的世界

pour un monde de tolérance.


Sur le panneau est écrit:

Totem de la tolérance

--réalisé par le Conseil des enfants du 4e , juin 2007


A vrai dire, je ne suis d'accord qu'avec la dernière phrase, c'est d'ailleurs cette dernière qui a arrêté mon pas. Mais n'empêche que ça reste une bonne idée ou un jeu intéressant. Un jeu, n'est-ce pas. Ce sont sans doute les enfants qui ont plus de droit de rêver et de s'idéaliser pour créer leur propre merveille.




Sais pas

Sais pas que le métro de Shanghai a quatorze lignes.

Sais pas que le métro de Shanghai termine à 22H45.

Sais pas où me diriger devant les travaux collectifs à Pudong.

Sais pas respirer dans les poussières.


Sais pas refaire la chambre à moi

Sais pas ranger ma bibliothèque en tas

Sais pas sceller les journaux intimes

Sais pas dérouler le certificat.


Sais essuyer les poussières.

Sais contempler la vieillesse et le délire.

Sais me demander, que faire à l’a-venir ?

Jamais trop tard.