23/03/2008

Connaissance de la Chine ou de la parole

Je postule en bas "la présentation de l'éditeur" de qq livres de F. Jullien et de Umberto Eco que j'ai découverts sur Amazon.fr. Ils connaissent/théorisent bcp mieux que moi l'art de la Chine ou celui de (la sémiotique de) la parole, que j'ai appris et pratiqué intuitivement dans la vie même.

Concerant le cas de François Jullien, je vois que de distinguer nettement les différentes manières d'agir occidente/orientale semble assez bêtes mais ce serait pour moi une question de méthode, qui vise à ouvrir une "nouvelle voie" qui conduit les deux cultures à un certain niveau où ils trouveront des choses convergeantes, ce qui n'est pas du tout étonnant aujourd'hui dans le monde mondialisé. Je connais peu l'oeuvre de François Jullien, je dois l'avouer, mais ce qui me semble pertinent de sa position présentée dans son livre
Chemin Faisant de même que dans l'interview réalisé par le Magazine Philosophie (du mois de janv je crois..), c'est que pr indiquer la Chine il distingue deux choses: "ailleurs"(autre que chez soi, question géographique de "qu'est-ce qu'il y a"),qu'est la Chine même, et "Autre" (qui n'est pas soi, question conceptuelle de "qu'est-ce que c'est"), qu'est la Chine définie selon la perception de l'Occident. A partir de la Chine indiquée comme "ailleurs", Jullien propose le monde occidental à voir la Chine "comme les (cherchers) Chinois" tout en leur laissant la parole, c'est-à-dire ne pas les remplacer en les tuant. (ça vous rappelle qch hein...) Là je dirait qu'il s'agit de la phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty...(réf: L'Oeil et L'Esprit)

Et puis, que distinguer n'est pas opposer.



Dire presque la même chose : Expériences de traduction (Broché)

" Supposons que dans un roman anglais, un personnage dise it's raining cars and dogs. Le traducteur qui, pensant dire la même chose, traduirait littéralement par il pleut des chats et des chiens serait stupide. On le traduira par il pleut à torrents ou il pleut des cordes. " Dire presque la même chose n'est pas un essai théorique sur la traduction, mais une illustration des problèmes que pose la traduction à travers des exemples qu'Umberto Eco a vécus : en tant qu'éditeur, en tant qu'auteur, en tant que traducteur. Ce sont ces trois éclairages que nous retrouvons dans un ouvrage qui fourmille d'exemples. Nul besoin de maîtriser les langues citées pour comprendre, puisqu'on est toujours dans la comparaison. Umberto Eco nous enseigne que la fidélité n'est pas la reprise du mot à mot mais du monde à monde. Les mots ouvrent des mondes et le traducteur doit ouvrir le même monde que celui que l'auteur a ouvert, fût-ce avec des mots différents. Les traducteurs ne sont pas des peseurs de mots, mais des peseurs d'âme. Dans ce passage d'un monde à l'autre, tout est affaire de négociation. Le mot est lâché : un bon traducteur sait négocier avec les exigences du monde de départ pour déboucher sur un monde d'arrivée le plus fidèle possible, non pas à la lettre mais à l'esprit. Tout est donc dans le presque du titre."

Si parler va sans dire, Du logos et d'autres ressources (Broché)

"Aristote nous a laissé ces équivalences majeures, s'imposant comme des évidences : que parler c'est dire ; que dire est dire quelque chose ; et que dire quelque chose est signifier quelque chose : destinant ainsi la parole à être le discours déterminant de la science, reposant sur le principe de non-contradiction et apte à répondre à la question grecque par excellence - désormais mondialisée - du " qu'est-ce que c'est ? ". En se tournant vers les penseurs taoïstes de la Chine ancienne, François Jullien rouvre une autre possibilité à la parole : " parole sans parole ", d'indication plus que de signification, ne s'enlisant pas dans la définition (puisque non adossée à l'Etre), disant " à peine ", ou " à côté " - qui ne dit plus quelque chose mais au gré. Or, n'est-ce pas aussi là, quelque part (à préciser), la ressource que, depuis Héraclite, en Europe, revendique avec toujours plus de virulence la poésie ? Aristote ne débat plus ici avec ses opposants familiers. S'invitent enfin à ses cours, pour dialoguer avec lui, des interlocuteurs inattendus, et même qu'il n'imaginait pas. "

Eloge de la fadeur (Poche)

"
Si la pensée chinoise est irréductible à nos concepts, ce n'est pas qu'elle soit préphilosophique mais bien, comme le montre François Jullien, parce qu'elle est, dès l'origine, antiphilosophique. La Chine n'a pas méconnu la voie conceptuelle : elle l'a refusée. Ce refus a fondé un art et une sagesse.

Ainsi, l'opposition du bien et du mal, de l'amer et du doux, du fort et du faible, du courbe et du droit, est abstraite et toujours contestable. Dès lors, le grand art et la suprême sagesse, comme l'attestent la peinture, la poésie et la cuisine chinoise, consistent à saisir la réversibilité des opposés, à faire goûter le sel sous le sucre, à révéler l'infini dans le fini, la présence par l'allusion, l'éternité sous l'éphémère. Si le Chinois n'est pas en quête d'universalité et de réconciliation dialectique, c'est parce que toute différence exige pour exister son contraire. Le yin suppose le yang, comme l'ombre la lumière. Le monde est par avance harmonieux et c'est à l'artiste d'en saisir le subtil équilibre.

Ouvrage sensible plus que savant, qui donne goût à la fadeur. --Paul Klein"


Du "temps". Elements d'une philosophie du vivre (Broché)

"La philosophie occidentale n'a cessé de se confronter à la difficulté de penser le temps. Qu'elles aient été construites à partir du cours cyclique des planètes, comme dans l'Antiquité grecque, ou selon la linéarité d'un itinéraire de salut, comme dans l'horizon judéo-chrétien, les représentations abstraites de la temporalité ont toujours été sources de paradoxes et d'apories. Le temps s'enfuit mais où va-t-il ? Le passé n'est plus, le futur n'est pas encore. Quant au présent, il se réduit à un insaisissable instant. L'être du temps nous échappe donc, autant que ses origines : y a-t-il toujours eu du temps ? On connaît le désarroi d'Augustin, dans ses Confessions, devant le vertige de ces interrogations. La condition temporelle de l'homme paraît bien conduire la pensée à ses limites. À moins que ce soit la conceptualisation occidentale de cette condition qui engage dans l'impasse… Philosophe et sinologue, François Jullien nous propose, à travers sa méditation sur l'élaboration chinoise de la question du temps, un fécond détour, un de ces décentrements de l'esprit dans lesquels Michel Foucault reconnaissait le véritable travail philosophique. "Fallait-il penser le temps ?" Par cette question radicale, l'auteur se hisse à la hauteur d'une réflexion qui embrasse sous un seul regard toute l'histoire de la métaphysique, d'Héraclite à Heidegger. Sur la question du temps dans la tradition philosophique occidentale, on pourra lire : Heidegger et la Question du temps de Françoise Dastur et Temps et récit de Paul Ricœur. --Émilio Balturi

Idées clés, par Business Digest
A quoi nous sert le concept de temps ? Cette notion tant de fois interrogée par les plus grands philosophes ne cesse d'habiter notre pensée quotidienne. Il ne s'agit pas ici de prolonger les réflexions sur le temps de Kant, Bergson ou de Heidegger - même si celles-ci peuvent servir de repères - mais bien d'envisager le concept de temps en le sortant de son cadre notionnel. Par le détour de la pensée chinoise, François Jullien nous amène à confronter la question du temps à la pensée du vivre pour tenter de concevoir ce que peut être le "vivre au présent".


Traité de l'efficacité (Poche)

La présentation est trop longue, à lire vous-même sur le site :-) Un dossier sur François Jullien l'a bien commenté aussi. Happy Easter!!

22/03/2008

Nouvelles de Taiwan

Pas grand chose mais, hyper contente pour Taiwan et pour Ma Ying-Jeou. Donc pas de guerre à Taiwan! Qu'un jour un système relativement démocratique PPC-KMT s'établisse en Chine pour qu'on évolue la situation actuelle avec plus d'espoir.

NB: Hier la famille d'une amie de St Andrews invitait leurs amis chinois à dîner. On était 5, deux filles de la province de Jiangsu, une de Taiwan, les trois faisant l'économie et la stratégie, un garçon de Hongkong en relation internationale, et moi. On parlait bien des politiques de la Grande Bretagne et de la Chine.
Qq constats de l'amie taiwanaise et de l'ami hongkongais sont bien intéressants: la taiwanaise dit qu'elle recoit une éducation qui lui dit depuis l'enfance que Taiwan est un pays, comme pour les jeunes de la Chine continentale, Taiwan est depuis l'enfance "une partie inséparable de la Chine".
Le garçon hongkongais, qui avait fait le droit à HK, dit que Hongkong est plus libre qu'il y a vingt ans, où, sous le gouvernement colonial britanique, le contrôle sur la liberté d'expression était assez fort, la population n'avait même pas le droit de la manifestation. Après la signature de la Déclaration en 1984, la situation commence à changer.
Bien mangé, bien discuté. Rentrée à la résidence, continue à travailler. Stop.

12/03/2008

De Love and Desire

Dans le cours de Love and Desire in the 20th French Literature de Prof Gifford que j’assiste, on passe de Giraudoux à Proust, de Proust à Duras. On passe d’un amour néo-catholique, basé sur l’humain-centrique et qui distingue Eros et Philia(l'affect, que le dieu Jupiter ne comprend pas), à un amour fou rempli d’illusion obstinée du genre Swanien, puis voilà l’amour-désir durassien qui a marqué la deuxième moitié du XXe Siècle et qui concerne directement mon mémoire. Deux livres permettent l’expérimentation de la contamination de l’esprit par l’eros durassien : La Maladie de la Mort, L’Homme Dans le Couloir.

J’ai lu le premier.C’est un livre tout petit et usagé. 60 pages. Dépôt légal : décembre 1983, la période où Duras s’est enfermée dans son oeuvre, L’Amant a connu d’immenses succès. Sur la première page marque ceci : « L’EDITION ORIGINALE DE CET OUVRAGE A ETE TIREE SUR VELIN ARCHES A QUATRE-VINGT-DIX-NEUF EXEMPLAIRES NUMEROTES DE 1 A 99 PLUS SEPT EXEMPLAIRES HORS COMMERCE NUMEROTES DE HC I A HC VII. ».

C'est apparament un livre-tabou, qui dit à peu près ceci : Aimer, c’est incorporer la violence. C’est envie d’occuper, tendance de détruire, de tout détruire, de provoquer le désastre. Le désir.

Et le désir, c’est la mer. Ce serait plus que le fleuve, évoqué au début de l’Amant en tant que métaphore (?) du désir durassien. C’est évidement d’un goût plus amer.

La mer, c’est le va-et-vient, le toujour-là.

Non, ce n'est pas de l'amitié. Il faut en distinguer. L'amitié, par rapport à l'amour-désir, c'est être là au moment convenable et disparaître quand il le faut. J'ai compris ça assez tard.


***

Extraits:

(scène préconçue par Duras : un homme, une jeune fille, un lit avec du drap blanc, tout blanc.Le bruit de la mer au loin.)

...

Elle vous le dit : c’est ne jamais aimer. Jamais regarder une femme. Jamais avoir envie d’être au bord de tuer un amant, de le garder pour vous, pour vous seul, de le prendre, de le voler contre toutes les lois, contre tous les empires de la morale.
...

Elle se réveille. Elle vous regarde. Elle dit : La maladie vous gagne de plus en plus, elle a gagné vos yeux, votre voix.

Vous demandez : quelle maladie ?

Elle dit qu’elle ne sait pas encore le dire.(p.18)
...

Elle répond d’une voix encore endormie, presque inaudible : Parce que dès que vous m’avez parlé, j’ai vu que vous étiez atteint par la maladie de la mort. Pendant les premiers jours je n’ai pas su nommer cette maladie. Et puis ensuite j’ai pu le faire.

Vous lui demandez de répéter encore les mots. Elle le fait, elle répète les mots : la maladie de la mort.

Vous lui demandez comment elle le sait. Elle dit qu’elle sait. Elle dit qu’on le sait sans comment on le sait. (p.23-24)


--Marguerite Duras, La Maladie de la Mort, 1982, by LES EDITION DE MINUIT. 75006. Paris. Touts droits réservés pour tous pays.

10/03/2008

Les Accidents dans l’écriture et autres choses

"La littérature a-t-elle vraiment besoin d'un "recul" avec le monde présent? Si écrire, c'est regarder le monde de haut, comme si celui qui écrit était un juge ou un inspecteur ou quelqu'un qui ne serait pas capable de supporter le monde réel, autant faire autre chose: de la surveillance ou de la police. Ou apprendre vraiment à vivre. Le blog a de bons usages de transmission ou de communication aussi, mais ce qui est fort, c'est quand même de voir comment évolue, en temps réel, une sorte de polyphonie, et d'y prendre part, en êtant soi-même une voix de cette polyphonie. Là, on est bien dans la création, quelle que soit sa valeur littéraire par ailleurs. Mais on s'en fiche, de la valeur littéraire, c'est le problème des critiques."(Ben)


Le problème de critiques, je m’en fiche pas, c’est ce que j’apprends en ce moment et c’est ce que j’ai choisi de faire, j’ai envie de bien l’achever simplement, quoi qu’il m’arrive. L’auteur qui fait la littérature ne se ficherait pas non plus de la critique, il ferait constamment l’auto-critique dans son parcours d’écriture, et sans cette dernière il ne pourrait pas s’améliorer. S’il s’enfiche de la valeur qu’il peut porter dans cette pratique, ce serait pour moi assez problématique, voire catastrophique pour l’auteur lui-même, puisqu’il n’a pas de conscience de lui, ni de ce qu’il fait.

Si je dis que la « création littéraire » a besoin d’un recul, c’est justement pr permettre à l’auteur de prendre pleine conscience de ce qu’il entend faire de son écriture, il saurait au moins où est le point de départ, et éventuellement le sujet concerné, ou la direction, ou le sentiment à y contenir, etc. N’est-ce pas, toute écriture n’est pas de la littérature : l’écriture immédiate, je la fais par ex dans mon journal intime, c’est souvent l’épanchement fleuve, ça ne ferait même pas partie de la « narration ». Et c’est ce que j’évite dans mon blog, espace d’écriture publique que je distingue de celui d’un journal intime. D’autres cas d’écriture immédiate, ça peut être qqs-uns de mes commentaires, ou des choses que je postule comme expérimentation d’un moyen de transmission sans communication directe sur le Facebook. Je vois déjà que l’immédiat peut créer des effets véritablement inattendus, qui m’effarent bien et à travers lesquels je vois ma capacité de provoquer les malentendus et mon incapacité de prendre la mesure au moment convenable.

J’avoue que dans la réalité, des fois je me porte bien haut métaphysiquement, je l’avais bien dit l’année dernière. Mais quand on écrit, la bonne position pour moi est « in and out » du monde. Vivre le monde pr le connaître, en même temps en sortir pour bien le re-présenter avec méthode, éventuellement le prédire. C’est peut-être ça le dédoublement. Ce serait également ce qu’on dit « Da Yin Yu Chao »(« Grand ermitage est dans la Cour », une phrase du temps de Wei Jin et évoqué aussi dans un poème de Bai Ju-yi(Zhong Yin) : c’est dire qu’un bon esprit d’ermitage cerait de savoir garder la quiétude dans le tumulte des grandes capitales—oui, vous allez dire que c’est sorte de sage précaire, cela pour confronter au « petit ermitage » des daoistes qui s’isolent physiquement dans les champs, plus facile à s’y parvenir).

Je veux dire qu’il serait bon de distinguer les choses afin de les connaître vraiment et éventuellement en tirer profit. L’observation de celui qui écrit n’est pas de la surveillance car il n’a pas un objet précis à fouiller, c’est qch qui se présente devant lui et qui suscite qch en lui pour qu’ensuite il capte et imprime ce qch dans la tête. C’est n’est pas non plus la police car il s’y exige pas une intervention de forces. A part cela, je crois pas que je suis
qn qui aime prendre la methode de surveillance ou de la police, mon expérience perso de mini-administration dans ma vie d’étudiant en Chine me le dit. S’il y a qch qui ne va pas et que je crois devoir s’intervenir, je m’adresserai à l’interlocuteur concerné, c’est ça ma manière d’agir en général, dans la vie réelle. Apprendre à vivre, ca m’interesse comme interresse tout le monde, en effet. Et pr moi ce serait en vivant que l’on sait comment vivre, c'est apprendre dans l’expérience vécue et essayer d’éviter les fautes pareilles. Ca semble assez pragmatique.

Vous parlez de la « polyphonie », mais je crois que vous auriez dit « contrepoint », qui n’est qu’une partie de tout le méthode polyphonique. Là je crois qu’il est à distinguer le Tout et l’Ensemble (réf Deleuze, Pourparler). La polyphonie c’est le tout, l’espacement du temps, et non l’ensemble, « en même temps ». Par ailleurs, je crois pas que je m’éloigne de la polyphonie là, le silence pour moi fait aussi musique, non ? Je dirais même indispensable. Dans les séquences il y a « d’abord—ensuite », il y a aussi « en ce moment-au bout de ... temps », etc, sans cette démarche la partition deviendrait une équation. C’est pas ce que vous voulez entendre, je crois.

Enfin, vous voulez sans doute que je rassure qch? La seule chose que je peux vous rassurer, c’est que si le jour vient que je décide d’arrêter ce blog, je vous le préviendrai comme je parle de mes études, de mes déplacements, etc en tant que « nouvelles ». J’annonce ces choses avec le ton de la Moi dans la réalité et non celle qui écrit des choses littéralisées, entre les deux il y a quand même de la différence. Ne me frappez pas surtout, ce moi littéraire qui vous prend un peu la tête. Dans la réalité je m'en inquiète pas , puisque...et bien vous me connaissez pas, hihi.

03/03/2008

Déliquescence


Perdus, des mots
Viens écouter
Ce tumulte des flots :

Résonances continuelles
Des rondes pointées
A l’abrupt de la falaise.

Et,
Ramasser ce bonheur fulgurant
Des autres.