17/07/2007

Babel et l'interculturalité


Suite à une discussion sur la compréhension, la traductologie et la langue chez CHINES( http://chines.over-blog.com/article-6903465-6.html), je vous propose un texte, travaillé dans le cours socio-linguistique au sujet de l'argumentation et la doxa, texte qui met en avant l'enjeu des échanges (notamment les échanges académiques) entre les pays européens devant la multiplicité culturelle dans l'Union Européenne. Ca s'applique de même aux échanges internationaux.

La traductologie doit son origine au mythe de Babel: Dieu crée les langues différentes pour que l'homme ne puisse se communiquer. C'est la doxa que l'auteur va mettre en question: Dieu empêche ou favorise les échanges de l'humanité?
(Cliquez sur l'image pour la lecture)

16/07/2007

sur la défiguration

http://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=2104
La défiguration n'est plus un sujet frais dans le domaine littéraire aujourd'hui. Mais une analyse qui regroupe Artaud Beckett et Michaux sous ce titre peut être intéressant.
(par Grossman, directrice de la mension Art, Lettres, Pensée contemporaine à Paris 7. L'introduction se trouve en bas de la page et je me permets d'afficher la conclusion ici en bas)


Conclusion-- LA DESIDENTITé

Les oeuvres défigurées du XXe siècle (celles d’Artaud, de Beckett, de Michaux, d’autres encore…) remettent ainsi en cause nos systèmes, nos catégories et la tranquille stabilité des oppositions qui souvent les gouvernent. Elles nous invitent à nous poser quelques questions troublantes, dont celles-ci : face à la normopathie contemporaine, ce cache-misère d’une inavouable dépression, face à ce narcissisme grégaire socialement gratifié où chacun se reconnaît dans le regard admiratif qu’un autre semblable lui jette pour qu’il le lui renvoie, comment inventer les formes plastiques, plurielles, d’une résistance à l’image ? Comment se déprendre des formes pétrifiées de l’identitaire ? Comment inventer à chaque instant les figures mouvantes de la représentation de soi et de l’autre sans y perdre toute identité ?

Question qu’Artaud formule ainsi : Comment conserver la permanence du moi tout en refusant « le principe inconscient des effigies, des statues morales toutes moulées et toutes faites » ? Quelle forme inventer pour dire la chair vivante des corps sans la pétrifier, l’enfermer in vivo dans un tombeau. Question qui fut aussi, comme l’on sait, l’obsession de Poe. Autrement formulé : comment se désincarcérer du corps-tombe, cette vieille complicité du soma-sema, si l’on ne croit plus ni en l’âme éternelle ni à la résurrection des corps ?
« Je sais que les moi se pleurent dans leurs rêves et ne peuvent plus prétendre pour la continuité de leur principe et de leur être à cette durée que l’âme immortelle il y a quelques siècles leur donnait. Ce qui veut dire que sans le corps qui maintient la continuité personnelle des impressions, les êtres seraient plus changeants que le spectacle de la nature qui passe de la montagne à la mer, et de l’iceberg à la forêt ». (Antonin Artaud, Lettre à Jean Paulhan du 16 février 1945 XI, 44-45) »

Un double écueil borde en effet la défiguration en son mouvement : le trop de forme et l’informe. D’un côté la captation pétrifiée dans l’image de soi, les formes mortes d’un narcissisme calcifié. De l’autre au contraire, la dissolution mélancolique des formes, le trou noir d’un miroir sans reflet, la fusion è un infigurable archaïque avec lequel on tente de faire corps, la haine de soi comme informe. L’écriture moderne s’invente dans cet écart entre narcissisme et mélancolie, entre l’amour de la forme-langue et la fascination d’une hémorragie sans fin du sens et des mots. De Beckett à Céline, de Michaux à Artaud, Leiris, Cioran, Blanchot, pour ne citer que ces noms, les écrivains n’en finissent pas d’inventer une forme, un style qui figure-défigure l’informe, une écriture dont l’incessant mouvement ne fixe pas mais maintienne ouverte l’oscillation : ressassement chez certains, jeux infinis d’une négativité en mouvement pour d’autres, force d’une langue en suspens d’une forme à l’autre. La défiguration chez eux est ce mouvement de réinvention d’un soi vivant dans l’écriture, un soi qui ne sombre ni dans la folie dissolutrice ni dans la crispation narcissique, qui ne succombe ni au mirage des formes ni à la séduction mortifère de l’informe.

Alors l’identité y devient désidentité. Il s’agit à la fois de défaire l’identification narcissique à une forme qu’on immobilise, une image-mirage statufiée (mon père, ma mère, cet autre en face de moi qui me ressemble, cet homme/cette femme que j’incarne) et d’inventer les figures plurielles, provisoires, d’une identité en mouvement : des identités. A la fois une et plus d’une Ce qui signifie s’identifier non à une image mais au mouvement d’une image , en chacun des points où elle se stabilise provisoirement, dans ce défilé qui la fait plurielle, changeante. La désidentité dirait ce lien incessant de la forme aux mouvements qui la déforment. Alors l’identité est un théâtre. L’inverse même de la représentation narcissique de soi, cette mise en scène qui se joue sur la scène vide d’une psyché désertée.

L’inverse aussi de la normopathie de nos systèmes épuisés de la représentation sociale, médiatique, politique. J’ouvre une dernière parenthèse qui en est à peine une. Claude Lefort a analysé, à la suite des travaux de Ernst Kantorowicz, la désincorporisation à l’oeuvre dans nos sociétés démocratiques. Dans la monarchie, rappelle-t-il, le pouvoir était incorporé dans la personne du prince. Le prince était un médiateur entre les hommes et les dieux ; il incarnait dans son corps, à la fois mortel et immortel, le principe de la génération et l’ordre du royaume. « Incorporé dans le prince, le pouvoir donnait corps à la société ». (Claude Lefort, Essais sur le politique (XIXe-XXe siècles), 1986, Points-Seuil, p.28) . Infigurable, le lieu du pouvoir est désormais un lieu vide qu’aucun gouvernant, par définition provisoire, ne peut incarner. Désincorporé, le pouvoir cesse de manifester le principe de génération et d’organisation d’un corps social. C’est un processus que décrit Claude Lefort, celui d’un mouvement continu de corporisation-désincorporisation au gré d’un débat permanent, d’un conflit des opinions et des droits s’exerçant dans « un espace public toujours en gestation ». (ibid., P.52).

C’est cette théâtralité mouvante, cette « scène » sur laquelle le conflit se représente aux yeux de tous, empêchant la société de se pétrifier dans son ordre, qui m’intéresse. Non la « représentation » par délégation, la représentation-image du peuple comme Unité, corps prétendu propre et indivisible de la multitude informe, mais au contraire, la figure qui s’y invente d’un corps polymorphe, configuration impropre et vivante, dont le lien aux signes du pouvoir est constamment à recréer. Il se peut que, là encore, la défiguration du corps politique nous aide à réinventer, loin du culte narcissique du spectacle et de la représentation, un espace vivant, cette chair du social que l’on ne refoule, comme le corps prégénital, qu’au prix du vide et de la reproduction de la mort : telenovela du pouvoir à l’échelle du globe—TV Globo.

nouvelles

je continue à renoncer au rythme d'un blog, et pour le mois à venir je vais devoir réduire mon envie d'écrire ici et de traduire/résumer qq textes bien intéressants que j'entends partager avec vous. Je garde qq textes pour plus tard, peut-être.
Entretemps j'afficherais surtout des photos en stockage (mais il y en a trop déjà), et quelques fragments.

Bon été à tous.

07/07/2007

traducto-extrait

你休执恋,请前行莫久延/ 论兴衰贵贱由天,沧海与桑田,几度变迁/ 把离愁且放宽……
----江儿水·望乡(昆曲)

Ne t’y attache pas, avance, sans délai./ Prospérités ou décadences, noblesse ou humilité, laisse juger le ciel ; de la mer aux champs de muriers, que de vicissitudes. ( variation : combien d’aléas, de vacissitudes.) Va, apaise la nostalgie.
--« Flots· regarder au loin le pays natal » (L’opéra Kunqu)

nb. sur le mal à l'aise de la traduction (ce pour s'amuser plutòt): 1) Vous trouvez bon ou bizarre ce mer-champs de muriers? (un métaphore signifiant la vacissitude avec le temps) 2) n'y a-t-il pas un seul mot qui puisse remplacer regarder au loin?? je m'en souviens pas...

03/07/2007

La précarité de la précarité

Le propriétaire m’a fait déménager dans un autre appartement à l’étage supérieur pour vider complètement le mien, après le départ de ma collocatrice. Je vais donc cohabiter avec une belle anglaise pour 20 jours.

i)
J’ai gagné un canapé rosso, de jolis tableaux de l’art contempo, un mignon TV dont j’aurai pas besoin, et un appartement come a casa : pas tellement nouveau, avec moins d’espace mais plus de choses et de trace de vie de je ne sais qui.)


J’ai perdu une fenêtre face à la ruine, là où je contemple le ciel, la lueur du crépuscule, la ruine ; j’ai perdu une chambre où j’entends le vieux en haut chanter et disputer avec sa femme : ma collocatrice disait que c’était un fou, qu’il se levait au 5hrs et ne dormait qu’à 2 hrs.

J’ai perdu un balcon où je regarde les gens âgés sur le leur, du bâtiment à côté : une dame élégante, vieillie, portant de belles robes de chambre, étendant les vêtements chaque dimanche après-midi presqu’ aux mêmes heures ; un vieux monsieur qui prend le dîner sur le balcon avec sa femme ; un vieux couple sur le balcon au 2e étage : je les vois assis sous le soleil, souvent en silence. J ’ignore ce qu’ils voient ; ils ont un teint serein, un regard confus. Des fois, je les entends rire, quand une voix féminine enrouée, venant du bas de chez moi, leur raconte des anecdotes. C’est une sorte de rire dont l’énergie perdue, mais d’une fraicheur émouvante.

J’ai perdu l’habitude.


ii)
Pour déménager, il faut nettoyer l’appartement. En Chine, au lycée comme dans l’université, on ne connaissait que le balai, le torchon, de l’eau. Dans l’appartement que j’habitais, il n’y avait pas de balai mais un aspirateur ; le torchon indispensable, accompagné de divers détergents pour sol en carreaux de grès cérame ou pour le bassin. Dans l’appartement que j’habite, c’est évidemment bien équipé, on trouve les outils de nettoyage du plus artisanal au plus post-industriel.

Pour ranger des choses, il faut se laisser ranger par des choses. Il faut savoir où c’est la caffettiera, où la teiera ; pour faire le thé, à prendre d’abord le bouilloire ensuite la théière avant de trouver la tasse correcte : il faut savoir distinguer la tasse pour l’espresso, pour le café au lait, pour le thé ; le verre pour le whisky, pour de l'eau, pour beaucoup d’eau.

Pour battre un oeuf, j’avais un fouet à main ; il n’y en avait pas dans ma nouvelle cuisine, mais j’ai vu un mixeur. Alors c’est branché. En écoutant son bruit bien bref, je tombe dans l’hallucination en me croyant une heureuse esclave. J’ai entendu le murmure de Valéry, qui confirme que l’homme tourne à sa plus complète servitude avec la modernité, que le confort nous enchaîne. Heidegger m’a soufflé aussi son angoisse de l’être, il croit que les pro-progrès technique qui aspirent à une bonne condition de l’être, de même que ceux qui marquent nos âges avec de différentes science de la techno, de l’artisanale à la post-industrielle, n’ont rien compris sur leur être ; que la techno nuit à son Dasein.

Je commence à imaginer une longue période de la vie d’une famille dans cette cuisine, au début tout neuf avec peu de choses, comme cellle que je viens de quitter ; puis cet espace se remplit avec de plus en plus de petites choses, et ces petites choses feront les événements de cette famille : un couvert complet comme cadeau de mariage, une série de tasses à café offerte par une fille à sa grand-mère pendant le Noël ; il faut encore acheter trois verres pour les invités ; ce tablier est joli, elle le veut ; c’est le solde, il a acheté un mixeur pour lui plair et pour profiter du solde. Etc.

Durant un court séjour, comme celui que je viens de passer, l’intérêt reste à ce que l’on découvre et joue une vie en tant que telle. Dans la chambre, on est étudiante ; dans le couloir, on est femme de ménage ; dans le salle de bain, on est femme ou ménagère ; dans la cuisine, on est hôtesse- cuisinière.

Mais pour un séjour très court, ça complique. Ca va néantiser mes vingt jours.


iii)
Dans 20 jours je vais déménager dans une autre ville. Dans 50 jours je serai back in Francia. Dans 70 jours je recommencerai la vie à Perpignan.

J’ai réussi à ranger la vie en une heure et demi.

J’ai appris à laisser ce qui me plait et que je ne peux emporter avec moi.

J’ai osé l’oubli et l’indifférence.




(L'oeuvre d'un peintre anonyme, j'y passe devant tous les jours, j'y reste chaque fois deux secondes.)

Veneziano

http://www.aparences.net/venise/Venise%20chap%201.html

J'ai voulu envoyer les illustrations du cours Storia dell'arte (Quattorcento-scuola Venezia) à quelques amis, mais j'ai trouvé ça. Avec les explications ce sera beaucoup plus intéressant que de simples images.
Je réserve des écrits autour de cela.

Non, pas pour le moment.

Bonne contemplation.